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BIG SPECIAL

Interview publiée par Jean-Christophe Gé le 23 juin 2024

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Rendez-vous est pris à une terrasse de Bastille avec Joe Hicklin (chanteur) et Callum Moloney (batteur) de BIG SPECIAL. Ils profitent d’un rare rayon de soleil pour se reposer avant de clôturer la première soirée de la Block Party du Supersonic. Après un premier album très bien reçu, les attentes sont fortes. Aussi complice que nature, le duo est là pour partager son expérience, nous expliquer ce cela signifie d'être originaire du Black Country, et aussi rigoler un peu.

Comment décririez-vous votre musique ?

Callum : Beaucoup de gens trouvent notre son très vivant. Je crois que c'est parce que quand ils nous voient en concert, nous dégageons quelque chose de très cathartique. Nous mettons tous les deux beaucoup de nous-mêmes quand nous jouons, mais si tu décortiques les chansons, il y a plus de tristesse que de violence.
Joe : Je pense que c'est juste une colère raisonnable, avec beaucoup de frustration. En réalité nous sommes deux bisounours.
Callum : Oui, nous sommes deux gars plutôt heureux.

Beaucoup de vos chansons, voire de vos titres, ont un double sens, comme I Mock Jogger (ndlr : « Je me moque des joggers », et jeu de mot avec Mick Jagger). Pour le public français qui ne comprend pas forcément vos paroles, de quoi parlent vos chansons ?

Callum : Eh bien, je pense que le plus important est que les gens comprennent l'énergie que nous communiquons. Nous avons récemment fait une tournée en Amérique du Sud dans des endroits entièrement non anglophones. Nous nous demandons souvent comment nos chansons vont être comprises, mais je pense que le plus important c'est que l'émotion et l'énergie se transmettent parce que le public en comprend la base. Nous sommes de grands fans de hip-hop américain. Nous ne comprenons pas toujours toutes les paroles, mais nous pouvons comprendre d'où vient la démarche artistique. J'ai donc l'impression qu'en fait c'est probablement ça le plus important. Nous chantons sur la dépression et la façon dont cette dépression se manifeste dans la société. Comment la dépression s'infiltre dans la société simplement par manque de conscience de classe et par des personnes qui ne connaîssent pas leur place dans le spectre du travail. Mais en réalité, je pense que notre musique est là pour être interprétée, prends ce que tu peux en tirer. Nous n'aimons pas expliquer les chansons simplement parce que des gens sont venus nous voir et nous ont dit « Oh, j'adore cette chanson parce qu'elle parle de ça » alors qu'elle traite de tout à fait autre chose. Mais c'est très bien comme ça !
Joe : Oui, et c'est pour ça que nous écrivons poétiquement. Nous ne voulons pas créer une liste point par point pour expliquer de quoi parlent les chansons. Le but est qu'elles provoquent des réactions émotionnelles, et que les gens y voient un rapport avec leur vie personnelle, celle de leur génération ou de leur classe sociale. Il y a des choses dans nos chansons que personne ne devinera parce qu'elles sont extrêmement personnelles. Mais notre but est de les écrire de telle manière que chacun puisse en tirer quelque chose qui lui rappelle son expérience personnelle. Quoi que tu penses que cela signifie, tu as raison.
Callum : Nous croyons fermement que, une fois que nous sortons l'album, il ne nous appartient plus. Il appartient à tout le monde de l'interpréter. C'est vraiment intéressant de voir comment les gens se l'approprient. De toute façon nous sortirons un album en français dans quelques mois (rires). Comme ça on pourra garder tous nos jurons à la radio. Tu sais notre single s'appelle Shit House et il ne peut pas passer à la radio parce qu'on ne peut pas dire y merde en Grande Bretagne.

J'ai effectivement vu que vous l'aviez rebaptisé Flip House pour une session radio...

Callum : C'est pathétique, n'est-ce pas ? J'aime l'Angleterre et j'aime nos fans, et tout le reste. Mais la radio anglaise... Ils pensent que l'auditeur moyen a des oreilles en coton qui vont exploser au moindre gros mot. Nous sommes très en retard par rapport à l'Europe.
Joe : Nous ne nous prenons pas trop au sérieux. Nous avons pensé que ce serait amusant de faire cela, et de le diffuser à la radio pour rire. Nous avons fait un concert dans un magasin de disques quelques jours avant, et à la moitié de Shit House j'ai vu qu'il y avait un petit garçon dans le public, et j'ai changé le refrain en « Flip House ». Je pense que le contenu de la musique est tellement sombre qu'il faut aussi s'amuser. C'est ça la joie, nous transformons quelque chose de très sombre en une autre plus joyeuse. Quand nous nous retrouvons ensemble dans une pièce, nous ressentons les luttes de différentes manières. Nous avons tous notre propre énergie et nous transformons cette chose négative en quelque chose de bien. Une partie de cela consiste à ne pas se prendre trop au sérieux sur scène. Nous n'essayons pas de nous présenter d'une certaine manière. Le but de notre musique, et de l'album, est de se présenter avec honnêteté, et j'espère de l'empathie. Nous ne voulons pas nous la jouer cool et ténébreux. D'où nous venons au Royaume-Uni, les West Midlands, c'est une attitude assez typique. Nous avons un sens de l'humour très sombre et sec par là-bas. Donc, je pense que chanter et jouer de la musique sur des sujets aussi sombres, c'est juste une façon typique des Midlands de dire ces choses horribles enrobées dans du sucre. C'est pourquoi il y a tellement de sarcasme et d'humour dans nos paroles. Nos concerts sont toujours très amusants, voire carrément stupides. Simplement parce que, c'est comme ça par chez nous, les gens sont vulnérables sans se prendre au sérieux.
Callum : Oui, l'humour est probablement la monnaie la plus courante dans les Midlands. Donc, tu peux transmettre des vérités vraiment amères et douloureuses dans la musique avec un peu de douceur, et cela les rend plus faciles à accepter.
Joe : Et je pense que les autres personnes s'y retrouvent aussi, car la plupart des gens font ça quand ils parlent de leurs problèmes, ils les minimisent un peu.
Callum : Ce serait vraiment un album très triste si nous n'avions pas cet élément de folie, ce serait très difficile à écouter. Mais je pense que cette joie transforme cette tristesse et cette colère potentielle en ajoutant une touche d'espoir.
Joe : Et je pense que cet espoir découle naturellement de cette façon de voir les choses. À aucun moment nous ne nous sommes dit « Oh, nous avons besoin d'un moment d'espoir dans l'album » et d'en fabriquer un de toute pièce. Encore une fois, si tu es simplement honnête, toutes ces choses viendront naturellement. Quelqu'un nous a demandé juste avant « Comment restez-vous authentiques ? ». Et nous avons répondu « Si tu demandes comment être authentique, tu ne l'es probablement pas ».

Quand vous écrivez une chanson, vous commencez donc par l'émotion ou par les paroles ?

Callum : Nous ne suivons pas un schéma fixe, nous aimons beaucoup varier. Parfois, Joe envoie les paroles ou j'envoie le rythme de batterie. Mais nous pensons que si tu t'en tiens à une technique stricte, tu peux finir par restreindre ta vision. L'inspiration vient vraiment de partout. Certaines chansons sont nées de conversations idiotes dans le van pendant la tournée, des blagues qui ont évolué en quelque chose de plus intéressant. D'autres sont des chansons complètes que Joe avait déjà écrites, et nous avons juste travaillé sur cette base. Nous aimons rester aussi ouverts que possible, mais ce qui revient assez régulièrement, encore une fois, c'est que nous sommes de grands fans de hip-hop. Stylistiquement, nous aimons beaucoup nous sampler nous-mêmes.
Joe : C'est comme marcher entre deux états différents, entre l'humour et la noirceur, l'énergie d'un groupe de rock en live et les éléments électroniques. Nous enregistrons comme un groupe, comme pour une performance live. Plutôt que d'utiliser une prise complète, nous la découpons, la modifions et prenons des morceaux de chaque prise, de sorte que, dans le contexte où elle est jouée électroniquement, cela s'intègre parfaitement. Pour nous c'est plus intéressant que d'avoir un groupe complet. On a donc eu un peu de mal à mettre une étiquette sur notre musique. Et je pense que c'est une bonne chose, parce que le but pour nous était de créer un son fort, de batterie, de voix et de paroles poétiques. Ce sont les trois éléments centraux, le reste, c'est du plaisir, de l'artisanat, de l'expérimentation et de l'improvisation. Si nous essayions de créer une méthode, ça nous perturberait. Nous sommes des gens assez méthodiques, alors, il faut éviter de l'être délibérément trop parce que ça peut te coincer. Nous faisons de la musique parce que nous aimons faire de la musique et parce que nous avons quelque chose à dire. Nous ne nous accrochons pas à un style, BIG SPECIAL c'est une voix, une batterie et des paroles.
Callum : Je pense que nous avons plutôt bien réussi à définir notre signature sonore. L'exemple que j'utilise toujours, c'est Tom Waits. Quand tu l'entends jouer une grande ballade au piano, tu sais que c'est lui. Quand tu l'entends faire une expérience folle ou quelque chose d'autre, tu sais que c'est encore lui. Donc, j'aimerais penser qu'avec une voix centrale aussi passionnée et une identité aussi marquée, nous avons réussi à créer notre propre marque de fabrique. Il n'y a pas beaucoup de groupes des Midlands qui font ce que nous faisons. Les Midlands sont un endroit assez sous-représenté dans la sphère culturelle de l'Angleterre.
Joe : Il n'y a pas vraiment d'infrastructure pour la musique ici. C'est donc difficile pour les fans d'y accéder et, comme je l'ai dit, c'est une région sous-représentée dans les médias et autres. Les gens finissent par penser inconsciemment que ce n'est pas pour eux. Ils se disent « Ça n'est pas pour nous parce que nous ne sommes pas de Londres ou de Manchester ». C'est pourquoi ça a pris du temps pour nous. Je fais de la musique depuis que j'ai seize ans. Quand tu es de la classe ouvrière et d'une région comme celle-ci, tu dois vraiment t'accrocher, mais je pense que c'est positif pour l'art. Il y a beaucoup de groupes qui prétendent avoir vécu des expériences similaires aux nôtres, mais ils n'ont pas vraiment dû traverser des années de déception et de frustration pour faire ce que nous faisons. Ce n'est pas difficile pour nous de rester authentique et de parler de ces années de galère.
Callum : C'est pourquoi nous devenons connus dans notre trentaine et non à vingt-et-un ans.
Joe : Exactement. Et si nous étions des gosses de riches de vingt-et-un ans venant de Londres, nous pourrions toujours faire ce genre de musique.
Callum : Mais elle ne serait pas aussi authentique.

En préparant notre entretien, j'ai écouté brièvement l'album que Joe a sorti il y a 10 ans. Il était très acoustique et très sage. C'est plutôt l'album que j'aurais attendu d'un artiste plus âgé, alors que maintenant vous faites des choses plus brutes...

Callum : Je connais Joe depuis que nous avons dix-sept ans, mais dans sa tête il en avait déjà quarante à l'époque ! Joe a toujours eu une âme de vieux, je suis sûr qu'il est né avec sa barbe ! (rires)
Joe : En fait, c'étaient mes chansons d'ado. J'ai enregistré pas mal de chansons profondes au fil des années. J'ai fait ça pendant quinze ans, à voyager seul avec mes guitares et tout. Et encore une fois, c'était très authentique par rapport à mon vécu. Ça a toujours été ce que je voulais faire, mais je cherchais encore ma voie. Je n'étais pas très sûr de moi à l'époque. Et, euh, c'était beau. Il y a des trucs que j'ai faits à l'époque qui cachaient qui j'étais vraiment. Je pense que j'avais beaucoup plus de retenue, j'enfouissais mes sentiments dans des métaphores alambiquées et je masquais mon accent. En fait, j'ai toujours voulu faire du spoken word, mais c'était une question de confiance, l'accent de notre région est ridiculisé dans tout le pays. Alors on grandit en se disant « Oh, je ne peux pas utiliser cet accent pour être profond et poétique, ça ne marchera pas pour moi ». Et puis j'ai découvert une poétesse appelée Liz Berry, elle écrit dans le dialecte du Black Country, et elle est vraiment talentueuse, ce qu'elle fait est magnifique. Elle a écrit sur son père qui élevait des pigeons. Mon beau-père faisait ça aussi, et ça m'a touché, et fait réfléchir différemment à l'utilisation de mon accent. Je me suis dit « Je dois en finir avec mon insécurité. Il faut juste que je le fasse ». Mais on avait le temps, le confinement m'a finalement permis de m'y consacrer.
Callum : Notre ancien groupe, c'était genre chanteur, guitare et batterie, très bluesy, un truc à la Black Keys. C'était vraiment notre truc. Quand Joe m'a appelé en me disant qu'il voulait monter un nouveau groupe, c'est ça qu'il avait en tête. J'ai refusé parce que j'étais occupé. Et puis il m'a envoyé This Here Ain't Water et le fait d'y entendre des éléments de spoken word avec l'accent des Midlands, m'a convaincu d'en faire partie. C'était immédiatement authentique et naturel. Et j'aime le naturel, nous sommes des gens très secs et ironiques. Notre pote Elliot, qui s'occupe parfois notre merchandising, nous a fait le meilleur compliment que nous ayons eu quand il a dit « En écoutant l'album, je peux sentir l'odeur du Black Country ». Je trouve ça tellement beau. L'album est accessible, tu peux le comprendre et t'y retrouver même si tu n'es pas de notre coin. Et si tu en viens, il y a ce petit plaisir en plus de se sentir chez soi.
Joe : Et comme je le disais, il n'y a pas beaucoup de choses qui sortent de notre région, c'est donc rare d'entendre ce genre de voix. Les gens de notre région étaient dingues quand Peaky Blinders est sorti parce que ça se passait à Birmingham.

Il y a Duran Duran...

Callum : Oui, et UB40. Mais si nous venions de Manchester, ce serait écrit partout, mais il n'y a pas de fierté naturelle à venir de Birmingham.
Joe : J'ai l'impression que notre subconscient collectif nous dit de faire le travail que nos parents faisaient et de baisser la tête. C'est difficile de sortir de ce schéma. On peut te dire “Oh, tu penses que tu peux faire autrement ? Tu es trop bien pour ça ?”. Je l'ai aussi pensé pendant des années, et je ne me serais jamais déclaré “musicien” en public. En grandissant, chaque fois que je voyais qu'un artiste venait du Black Country ou de Birmingham, je me disais “Oh, wow”. Donc, c'est agréable de pouvoir faire entendre un peu d'eux-mêmes aux gens de notre région. Mais c'est vraiment inhabituel. L'autre jour, je voyais un vieux copain qui me demandait si je faisais toujours de la musique. Je lui ai dit que nous venions justement de jouer à l'Alexandra Palace à Londres devant 8 000 personnes. Ca ne l'a pas impressionné, il a parlé du football, et pour lui le truc dingue, c'était qu'il avait gagné 20£ au loto à gratter.

Et qu'est ce que ça vous fait de jouer live?

Callum : Nous sommes tous les deux venus à ce projet avec un angle différent. J'ai toujours préféré les concerts parce que dans les groupes où j'étais, je ne me sentais pas créativement valorisé. Joe, tu aimais moins les concerts que le travail en studio. Je pense que nous avons tous les deux été attirés vers le territoire de l'autre et nous en sommes tombés amoureux. Tu sais, quand nous avons commencé à faire des concerts, à chaque fois c'était comme traîner Joe sur l'échafaud, il fallait le pousser hors des coulisses et il n'était vraiment pas partant, il ne s'amusait pas. Il a fallu un peu de temps pour reconnaître l'importance du live dans la vie des chansons. Quand tu les écoutes, tu vois que leur voyage émotionnel a été très soigneusement construit et le voir sur scène permet de faire vivre ce même voyage émotionnel avec le public.
Joe : C'est Calum qui m'a aidé à surmonter mon trac. Je l'ai encore mais moins qu'avant, c'était carrément paralysant. Je souhaitais presque me casser une jambe pour éviter de monter sur scène. Alors que maintenant, c'est l'énergie de Calum, notre amitié et le fait d'être ensemble sur scène et d'aller dans de nouveaux endroits comme Paris qui me pousse. Maintenant, c'est devenu une expérience cathartique énorme que je partage avec mon ami. Que nous jouions devant 20 ou 8 000 personnes.
Callum : C'est parce que nous jouons l'un pour l'autre, en essayant de nous impressionner mutuellement. Donc, au final, ça n'a pas vraiment d'importance la taille du public.
Joe : C'est surtout Callum qui parle sur scène et qui interagit avec le public. Il m'a appris à regarder les gens dans les yeux. A l'époque de cet album que tu as déterré, je regardais toujours mes pieds. C'est tout le contraire maintenant.
Callum : La différence, c'est que Joe est l'artiste naturel et moi l'entertainer naturel. Nous avons réussi à trouver un peu de chacun en l'autre. Ouais, nous avons trouvé un bon équilibre.
Joe : Il va jusqu'au bout sur scène. L'essence même de notre désir de travailler ensemble, juste nous deux, c'est que nous sommes amis. Nous nous comprenons mutuellement, et ne touchons pas à l'égo de l'autre quand il s'agit de créer, parce que nous savons tous les deux que nous voulons créer quelque chose de bien. C'est notre truc. Nous avons cherché ça toute notre vie, mais nous étions toujours obligés de faire dix autres choses en même temps pour vivre. Maintenant, nous touchons le salaire minimum, c'est le minimum dont on avait besoin. Ça ressemble déjà au succès. Tu sais, nous avons déjà gagné.

Justement vous semblez surgir de nulle part. Il n'y avait presque rien sur vous avant la sortie de l'album. Comment ça s'est passé ?

Joe : C'est arrivé d'un coup (rires). Nous faisons ça depuis toujours. Mais il y a comme ce sentiment de « plus on se presse, moins on avance » quand il s'agit de l'album. Tout d'un coup, sans crier gare, nous jouons dans différents pays et nous allons en tournée. Tu peux vite oublier que tu as passé toute ta vie à travailler pour arriver là, dans différents projets et tout ça, mais oui, la vitesse et le changement des choses ont été très rapides. C'était surprenant pour nous aussi. Ça a toujours été le plan, mais nous n'avons jamais eu de plan qui se déroule comme prévu. Donc le fait que nous soyons ici et que nous fassions ça tous les jours, c'est assez incroyable. Nous sommes proches de Sleaford Mods, ce sont aussi des artistes issus de la classe ouvrière, et ils ont fait des boulots de merde. Comme nous, ils n'ont pas percé dans la musique avant d'être un peu plus âgés. Ils avaient presque quarante ans quand ils ont réussi. Nous n'avons que la trentaine, mais c'est été un long chemin, et nous avions déjà abandonné en pensant que ça n'allait pas arriver. Et maintenant, c'est là, nous le faisons honnêtement et aussi bien que nous le pouvons. Jason, le chanteur principal de Sleaford Mods, nous a donné le meilleur conseil. Il avait fait des millions de boulots de merde comme nous, ouvrier d'usine, ouvrier d'entrepôt, livreur, coiffeur, coach personnel... Il a fait tous les boulots que tu puisses imaginer. Mais il a dit « A un moment donné, la musique commencera à ressembler à un vrai boulot ». Mais nous savons que ce n'est pas du vrai travail. C'est juste faire la chose que nous avons toujours voulue faire. Nous nous sentons tellement privilégiés pour ça.

Vous avez fait l'inverse de ce que disait Boris Johnson, vous avez arrêté de conduire des camions pour devenir musiciens !

Callum : Absolument. Tu sais j'étais livreur ces quatre dernières années. Avoir un contrat avec un label a changé notre vie. La première chose que j'ai faite, c'est d'acheter une bague pour ma petite amie qui est maintenant ma fiancée. Ces derniers mois ont été les plus épuisants de ma vie, mais c'est un sentiment incroyable de pouvoir faire ce que nous avons toujours voulu faire.
Joe : Je n'ai jamais gagné plus que le salaire minimum, mais maintenant c'est en faisant de la musique.

Et quels sont vos plans pour la suite ?

Callum : Continuer. Nous rentrons au Royaume-Uni dans quatre jours. Nous allons dormir pendant sept jours, puis nous attaquons directement le deuxième album. Nous continuons de travailler et avons déjà beaucoup de morceaux écrits, nous voulons juste recommencer à être créatifs. Nous nous reposerons un peu en juin, parce qu'il y aura Glastonbury, ce qui est incroyable, mais c'est tout. Nous avons été sur la route pendant presque trente jours, ça a été une longue tournée. Quand nous rentrerons, nous reprendrons des forces pour nous retrouver et créer. Je compte aussi me marier, avant de sortir un autre album dans un an ou deux. Nous allons écrire les meilleures chansons, parce que je ne veux pas retourner à un autre travail. Maintenant que nous vivons de notre musique, il n'y a pas de retour possible pour nous.

J'ai une dernière question pour vous. Comment travaillez-vous sur l'aspect visuel de votre musique : les pochettes, les vidéo clips, les posts sur les réseaux sociaux...

Joe : J'ai toujours été un grand fan du noir et blanc, j'ai toujours pensé que c'était la manière la plus simple de transformer quelque chose en art. Dès que tu mets quelque chose en noir et blanc, ce n'est pas comme la vie réelle, c'est une représentation de la vie réelle, mais c'est une version artistique de celle-ci. Cela va tout simplement dans le sens de ce que nous faisons, nous simplifions certains éléments de notre vie pour représenter la réalité ou les réalités. Le chien, c'est une métaphore pour tout l'album. Et j'utilise des métaphores pour les gens en général. En tant qu'animal de compagnie, un chien mène une vie limitée dans sa maison. Il n'a pas le choix, mais autant qu'il sache, il a la meilleure vie possible. Et bien sûr, je m'en suis inspiré en écrivant pendant le confinement. Nous ne sommes que des chiens perdus à notre manière, surtout en parlant de la classe ouvrière. Il y a une tendance générationnelle à dire aux classes ouvrières : « Tu as le meilleur que tu puisses obtenir, alors restes à ta place ».