Je rencontre Faris Badwan et Rhys Webb, de The Horrors dans le salon d'un hôtel en face de la Gare du Nord à Paris. Nous sommes assis face à face, chacun des musiciens a un bloc-notes en face de lui, j’ai presque l'impression que ce sont eux qui vont m'interviewer.
La promotion pour leur album ne fait que commencer et c’est leur premier voyage presse, ce qui les change des interviews par téléphone ou en visio. Ils sont eux aussi contents de reprendre du service.
Voilà longtemps que nous ne vous avions pas interviewés...
Rhys : Ça fait huit ans cette année depuis le dernier album, ça semble fou. Mais nous avions sorti deux EPs il y a quatre ou cinq ans. Faris : Quatre ans, parce que j'ai dû noter le chiffre 2021 (ndlr : leurs bloc-notes ne servent pas qu'à faire des dessins, assez réussis dans un style Miro monochrome pour Faris, les deux musiciens prennent des notes à mesure que la chronologie des événements se remet en place). Rhys : Ah, ce n'était pas 2019 ? Faris : Non, absolument pas. Parce qu'il y avait le COVID-19. Rhys : J'allais dire, ça ne peut pas être six ans. Le temps passe... Bref, il y a eu une longue pause. Faris : Oui, les EPs ont été une sorte de transition, comme un nettoyage de l'ardoise en quelque sorte.
Qu'avez-vous appris sur vous-mêmes à travers ces EPs ?
Faris : Je pense que nous étions prêts pour un changement. Nous ne savions pas forcément ce que ça allait être. Nous avions toujours été les cinq mêmes membres et tout fait ensemble. Quand Tom (ndlr : Tom Furse, claviériste) a décidé de partir, puis un peu plus tard Joe (ndlr : Joe Spurgeon, batteur), ça a laissé de l'espace pour de nouvelles choses. Au final, ça a été bénéfique pour le processus créatif et pour recentrer l'ensemble du projet. Pour cet album, ce sont surtout Rhys et moi qui avons travaillé ensemble, puis nous avons collaboré avec différentes autres personnes ensuite.
Qu'est-ce qui a déclenché l'envie de faire cet album ? Pourquoi maintenant ?
Rhys : Pour être honnête, notre contrat continuait après V, mais notre label a été dissout, et nous nous sommes retrouvés par défaut sur un autre label, ce qui a finalement été une super opportunité pour nous. Nous sommes maintenant sur Fiction Records, qui fait toujours partie d'Universal Music, mais qui est vraiment axé sur la musique alternative et underground, ce qui est parfait pour nous. Historiquement, c'était le label de The Cure, il est aujourd'hui dirigé par Jim Chancellor qui est un de nos bons amis et qui a toujours été un grand soutien du groupe. Donc, nous nous sommes retrouvés dans un bon environnement, et à ce moment-là, nous pensions continuer tous les cinq pour enregistrer cet album. Puis, les choses ont naturellement ralenti. Ensuite, il y a eu l'interruption... Attends, c'était deux ou trois ans de COVID-19 ?
Faris : Je ne sais plus. Deux je crois. Rhys : Deux, oui. Mais c'était une interruption sérieuse. En fait, ce qui s'est passé, c'est que non seulement le groupe a été mis en pause, mais nos vies aussi. Tout le monde a dû trouver d'autres sources de revenus pour survivre. Ça a soulevé de grosses questions sur la viabilité du groupe en tant que mode de vie. Nous n'étions pas les seuls à avoir ces questions existentielles, tous les artistes se demandaient comment continuer. Ça a amené deux de nos membres à se retirer, sans animosité, mais c'était la réalité. L'album était en gestation, et nous avons commencé à penser aux EPs comme une façon de remettre les compteurs à zéro. Ils devaient être agressifs, plus lourds, plus sombres. C'était aussi une façon de se défouler après la pause forcée. Et au final, des démos ont pris forme et nous avons su que nous voulions les pousser plus loin. Nous croyions en ce que nous avions et nous nous sommes lancés. Mais ce fut un long processus avant de passer à l'action. Ca vraiment commencé quand nous avons travaillé avec Yves Rothman. Attends, c'était en janvier 2023 que nous avons vraiment commencé ? Faris : Le temps n'a plus de sens. C'est ça le problème.
Vous êtes allés à Los Angeles pour enregistrer ?
Faris : Oui, mais nous avons d'abord fait toutes les démos chez nous avant de partir à Los Angeles pour poser les bases de l'album. Parfois, nous avons gardé des prises de la démo, parce qu'elles avaient une étincelle que nous ne voulions pas perdre, même avec des petites erreurs. Quand c'était la meilleure version, nous la gardions. Même parfois avec les voix. Nous avons passé six semaines en studio à Los Angeles avec Yves, à bosser tous les jours. Après ça nous sommes rentrés et avons loué un Airbnb un peu bizarre dans le nord Londres, où nous avons monté un mini-studio pour finir l'album. Et à la toute fin du processus, nous avons décidé de le mixer avec Craig Silvey. Nous avons déjà fait quatre albums, il fait partie de l'univers du groupe. C'est vraiment quelqu'un dont nous apprécions l'avis et avec qui nous aimons travailler. Rhys : C'est étrange, nous n'arrivons pas à déterminer à quelles années cela correspond, mais ce processus s'est déroulé sur une longue période. Faris : Oui, le processus d'enregistrement en lui-même... La raison pour laquelle il a fallu autant de temps depuis notre dernier album complet, c'est que nous n'avons pas seulement fait un album. Nous avons aussi restructuré le groupe et changé notre façon de travailler, de manière significative. Mais avec tout ce travail, les prochains disques nous semblent plus accessibles. Nous composons de manière plus fluide car nous comprenons mieux comment nous fonctionnons en tant que groupe.
C'est un processus très long mais organique pour créer ces chansons, que ce soit au stade de la démo ou de l'enregistrement...
Faris : Oui, tout à fait. De nos jours, il arrive souvent que les artistes sautent même l'étape de la démo. Ils composent directement avec un producteur et construisent la chanson définitive de bout en bout. C'est une approche différente. Si je produis pour d'autres groupes ou artistes, je pourrais fonctionner de cette manière. Mais dans notre cas, ce processus nous a semblé réinventé, ce qui est une sensation très positive.
Y a-t-il une chanson sur l'album qui s'est imposée plus naturellement ?
Faris : Oui, nous en avons eu plusieurs comme ça, et ce pour différentes raisons. Par exemple, When The Rhythm Breaks est une chanson qui a été composée en une demi-journée, mais composer une chanson rapidement ne garantit pas qu'elle soit bonne. Je déteste cette idée que la rapidité soit synonyme de qualité. Mais si nous la gardons, c'est qu'elle en vaut la peine. Nous avons déjà eu ce genre d'expérience, notamment avec Still Life, qui a également été composée en une demi-journée. Peut-être Sea Within A Sea aussi, mais il a fallu un peu plus de temps pour la peaufiner. Rhys : L.A. Runaway est une autre chanson qui est venue rapidement. La démo a été assemblée très vite, et nous savions que nous tenions quelque chose. C'est l'une des rares chansons que nous avons écrites à la guitare acoustique, et nous savions qu'elle était prête à être emmenée à Los Angeles. Faris : La plupart du temps, nous travaillions sur un son très électronique pour l'album. Pendant une bonne partie du processus, nous pensions qu'il n'y aurait même pas de batterie acoustique. Mais au fil du temps, nous avons réalisé qu'il fallait quelque chose de plus humain. C'est d'ailleurs à ce moment-là que Jordan et Amelia nous ont rejoints. Nous aimons que la musique conserve une certaine liberté, nous ne sommes pas friands des choses trop précises ou techniques. La musique que nous préférons est souvent plus atmosphérique, avec des textures riches. Nous aimons bien sûr les bonnes chansons et les mélodies mémorables, mais nous recherchons avant tout une profondeur d'atmosphère. Pour cet album, nous avons réalisé que notre meilleure approche était d'épurer au maximum, plutôt que d'ajouter sans cesse de nouveaux éléments.
Vous avez enregistré à Los Angeles et Londres, deux villes très différentes. Vous ont-elles influencés, ou bien apportez-vous votre propre univers en studio, en restant dans une bulle ?
Faris : Je pense que nous sommes influencés par notre environnement, c'est certain. J'aime les albums qui reflètent leur lieu de création, que ce soit de manière tangible ou juste en termes de ressenti. Par exemple, quand nous avons enregistré Primary Colours avec Geoff Barrow, il y avait des mouettes qui nichaient sur le toit du studio, et nous les avons enregistrées pour les intégrer dans les morceaux. Pour cet album, nous avons travaillé à la fois à Londres et à Los Angeles, mais plutôt que de les voir comme deux endroits distincts, nous avons trouvé des points communs entre eux. Notamment un sentiment de solitude et de détachement. Surtout à Los Angeles, nous étions dans un quartier où il n'y avait pas grand chose et nous marchions sans voir personne.
Où étiez-vous là-bas ?
Faris : Nous étions dans un studio sur Sunset Boulevard. Mais même si c'est près d'Hollywood, c'est un quartier assez vide, où personne ne marche. Il y a aussi une grande population de sans-abris, ce qui rend l'endroit plutôt rude. Ce n'est pas le L.A. glamour que l'on imagine.
Oui, c'est fou, comme cette ville a pris une tournure quasi dystopique ces dernières années. Comment avez-vous choisi de travailler avec Yves ?
Faris : Nous essayions justement de se rappeler comment cette collaboration a commencé. Il me semble que c'est Joe qui l'a suggéré. Le fait qu'il travaille étroitement avec Yves Tumor nous parlait, car notre groupe n'a pas une configuration traditionnelle. Nous écrivons ensemble et construisons les morceaux en assemblant différents éléments. Yves nous a beaucoup aidés à canaliser nos idées et à donner une cohérence à l'album, qui devait être concis et homogène. Il a une énergie incroyable et ne s'arrête jamais de travailler. Dès le début, il croyait en nous et comprenait nos points forts, ce qui a été essentiel pour donner une direction à l'album.
Oui, j'ai l'impression que vous voulez capturer l'essence de The Horrors...
Faris : Exactement. Même si le son a un peu changé, ce sont les émotions que nous avons essayé de transmettre et qui font partie du groupe. C'est un album qui résume vraiment où en est le groupe en ce moment. Yves nous a clairement encouragés à, comment dire... à revisiter certaines de nos anciennes forces, peut-être. Il est fan du groupe depuis longtemps, tout au long de notre carrière, et il comprenait ce que nous essayions d'accomplir. Je ne pense pas que nous aurions voulu travailler avec un producteur qui aurait tenté d'imposer sa propre vision. C'était plutôt une question de trouver quelqu'un qui nous aide à atteindre la direction où nous voulions aller.
D'habitude, je demande aux groupes comment naît une chanson : est-ce les paroles ou la musique en premier ? Mais pour vous, j'ai l'impression que c'est avant tout une question de son ?
Faris : Oui, ça arrive, mais ça varie. Je pense que ce serait sans intérêt de toujours faire les choses de la même manière. Nous sommes beaucoup inspirés par les atmosphères et les textures. Comme je le disais plus tôt, beaucoup de la musique que nous aimons est avant tout axée sur l'atmosphère. Nous aimons les chansons pop, mais surtout les artistes capables de créer des atmosphères. Rhys : Il est rare que nous nous assoyions juste avec une guitare et que nous travaillions de manière traditionnelle sur une chanson en se basant sur les accords. Ce serait probablement plus facile, mais ce n'est pas notre manière de fonctionner. Personnellement, je commence toujours par le son et l'atmosphère, par construire une image sonore ou un univers que j'aimerais entendre avant de pouvoir bâtir la chanson dessus. C'est ce que je trouve le plus naturel. Faris : Oui, probablement parce que nous sommes tous les deux très visuels. Nous recherchons ces textures qui évoquent des images dans notre tête, et cela déclenche ensuite des idées sur la direction à prendre. Mais nous avons aussi utilisé des méthodes plus traditionnelles. Par exemple, The Feeling Is Gone et L.A. Runaway ont été écrites de manière plus classique, en commençant par la guitare et le chant, juste nous deux, puis après seulement nous avons construit l'univers sonore autour. Rhys : Oui, c'est intéressant de voir comment ces deux chansons ont commencé de manière très simple, avec du chant et une guitare, puis ont évolué vers quelque chose de totalement différent. Faris : J'aime bien travailler de cette façon, car je pense que cela donne un meilleur résultat vocal. Mais en fin de compte, nous faisons juste ce que nous ressentons sur le moment. Nous suivons notre instinct jour après jour.
Et comment traitez-vous les voix ? Est-ce que c'est plus du storytelling ou est-ce que vous utilisez la voix comme un instrument ?
Faris : Un peu des deux. Pour moi, il y a toujours une dimension narrative. Mais parfois, c'est plus abstrait que d'autres fois. Rhys : Il y a généralement une trame narrative assez forte, non ? Faris : Oui, même si parfois la voix est utilisée comme un instrument, globalement, c'est plutôt narratif.
De quoi parlent elles ?
Faris : Ah, je ne vais pas te donner de réponse claire à cette question !
Mais quand l'anglais n'est pas ta langue maternelle, il faut vraiment prêter attention aux paroles pour en comprendre le sens. Sinon, en écoutant juste la musique...
Faris : Oui, je vois ce que tu veux dire. J'ai souvent cette expérience aussi avec la musique que j'aime. Parfois, je ressens une émotion sans forcément m'attarder sur les paroles avant de les lire. Les chansons parlent de choses différentes, mais il y a des thèmes récurrents. Je n'aime pas quand une chanson exprime une seule émotion de manière trop directe. Ça me semble trop simpliste. J'aime quand il y a plus de subtilité, quand il y a des contradictions, quand ça crée des images et plonge l'auditeur dans un univers. Rhys : Sur cet album, il y a beaucoup de paroles directes mais avec une touche d'ambiguïté, pas forcément un sens caché, mais disons ouvertes à l'interprétation. Faris : Oui, pour moi, elles sont honnêtes. Elles sont émotionnellement connectées. Mais j'imagine qu'elles paraîssent toujours abstraites, à cause de la manière dont elles sont chantées et du fait que la voix n'est pas toujours mise en avant. Je n'aime pas dire aux gens comment interpréter les paroles, car ce n'est pas comme ça que j'aime écouter de la musique. Mais certains textes parlent de la famille, des relations humaines. Très souvent, ils évoquent la connexion entre les gens, que ce soit dans l'envie de se rapprocher ou au contraire de s'éloigner.
Merci ! Parlons du live, qu'avez-vous prévu ?
Rhys : On a déjà fait quelques concerts, une courte tournée au Royaume-Uni en novembre et décembre, et quelques dates en août. Jordan, notre nouveau batteur, et Emilia, qui a beaucoup contribué à l'album, jouent avec nous sur scène. Nous espérons venir en France bientôt. Nous avons des concerts prévus en Espagne et au Portugal, ainsi qu'une tournée au Royaume-Uni. Il y a aussi des discussions pour aller aux États-Unis, mais Faris disait plus tôt qu'il n'était pas certain d'en avoir envie en ce moment. En principe, nous devrions être assez occupés en live cette année et jusqu'en 2026. L'album sort en mars, donc logiquement, on va tourner toute l'année. Beaucoup des festivals et des grosses dates de tournée auront probablement lieu en 2026, ce qui est dommage parce que ça paraît loin...
Comment avez-vous abordé les concerts avec le nouveau groupe ?
Rhys : Pour être honnête, j'en avais un peu peur. Faris : C'est toujours comme ça. Rhys : Oui, c'est surtout la peur de l'inconnu, de quelque chose de nouveau. Et en fait, c'était... très simple, évidemment ou pas, car nous avons la chance d'avoir deux musiciens fantastiques et deux grands amis dans le groupe. Ça s'est fait très naturellement. C'est un cliché de le dire comme ça, mais c'est vraiment une dynamique organique. Nous savions aussi que nous avions un délai assez serré entre le moment où nous sommes entrés en studio et notre premier concert. Nous n'avions que quelques semaines pour tout mettre en place. Et pour nous deux, ça devrait être facile, car nous connaissons 90% du répertoire. Mais nous n'avions encore jamais vraiment joué les nouvelles chansons en groupe parce qu'elles avaient pris une toute autre forme après l'enregistrement. Elles n'existaient pas encore sous celle-ci. Ce n'est pas comme si nous les avions enregistrées en direct, chacun a posé ses parties séparément. Mais nos deux nouveaux membres sont fantastiques et ça s'est fait de manière assez simple et agréable. Il a juste fallu apprendre les morceaux. Et après quelques semaines, nous nous sommes dit : « Oui, ça sonne bien, ça sonne même très bien ! ». Et le premier concert que nous avons donné était l'un des meilleurs que nous ayons faits, avec une énergie nouvelle, celle du nouveau line-up en live. Il y a même une vidéo entière du concert sur YouTube, et en la regardant, je me suis dit que c'était vraiment super. Avec la nature des musiciens impliqués et notre état d'esprit actuel, la performance live a pris une tournure plus brute, plus minimaliste. Nous avons enlevé pas mal d'éléments électroniques, pour nous recentrer sur l'essentiel, ce qui donne un son plus dur, plus lourd. C'est une direction excitante.
Est-ce que vous pensiez au live en écrivant les morceaux du nouvel album ?
Faris : Pas vraiment. Nous savions que nous allions devoir les jouer en live, bien sûr, mais nous nous concentrons d'abord sur ce qui est le mieux pour la chanson en studio, et ensuite, nous voyons comment l'adapter en live. Même si nous devons la réimaginer complètement pour la scène, ça nous va. Nous étions vraiment plongés dans l'univers de l'album et du processus d'enregistrement. Rhys : La majorité de l'album est en fait assez facilement transposable en live. Comme l'a mentionné Faris, les démos étaient enregistrées sur ordinateur. Il y avait toujours une basse et une guitare jouées en direct, mais les batteries étaient électroniques, parce que c'était les outils que nous avions sous la main à ce moment-là pour créer les morceaux. Quand nous avons commencé à travailler avec Yves, il nous a encouragés à nous reconnecter avec le groupe historique, celui qu'il aime et que nous aimons aussi. Du coup, l'aspect live a été progressivement intégré au processus d'enregistrement. À un moment donné, nous aurions pu nous retrouver avec un album beaucoup plus électronique et devoir prendre une autre approche pour le live. Mais au final, nous sommes contents d'avoir enregistré des batteries live à Los Angeles, puis avec Jordan au Royaume-Uni. Amelia, qui joue des instruments électroniques et des synthés, a une approche très physique et très « live », ce qui est génial, car ça limite l'usage de samples. Nous n'utilisons pas de backing tracks. Il y a des programmations, mais Amelia garde un vrai contrôle manuel sur tout. Du coup, l'album a fini par être assez organique et très adapté au live.
J'ai écouté l'album, et j'ai d'autant plus envie de le voir sur scène que je n'arrive pas à l'imaginer en live de par sa structure très construite... Prenez-le comme un compliment, d'ailleurs ! Mais en vous écoutant parler des démos, j'ai l'impression qu'il y a eu au moins vingt versions de chaque chanson...
Rhys : Oui, il y en a eu pas mal, en effet. Toutes les chansons ont connu plusieurs versions et évolutions, mais tu retrouves toujours leurs fondations : une atmosphère forte, une idée claire et généralement une mélodie vocale bien définie. Ensuite, nous avons construit dessus de différentes manières, en testant divers sons et instruments. Faris : Hier, j'ai participé à un événement pour Rough Trade où je devais choisir un disque que j'aime en magasin et en parler. J'ai pris Homogenic de Björk, qui est l'un de mes albums préférés. J'écoute souvent ce disque pour m'inspirer et trouver des idées d'arrangements, car elle sait très bien choisir ses éléments électroniques et les mélanger aux instruments plus organiques. Surtout à l'époque où elle travaillait avec Mark Bell de LFO. Si tu cherches en ligne, tu peux trouver plusieurs versions différentes des morceaux de Homogenic. Parfois, il y en a jusqu'à cinq versions pour un même titre. Je me demande si son approche était similaire à la nôtre, dans le sens où elle testait plein de choses sur une chanson, puis épurait tout pour ne garder que deux ou trois éléments essentiels. Nous travaillons un peu comme ça aussi : nous essayons plein d'idées, nous retirons certains instruments, nous changeons l'ambiance, et au final, nous trouvons ce qui fonctionne vraiment. J'aime bien travailler de cette façon, car ça peut mener à des résultats inattendus.
Vous pensez faire des remixes ?
Faris : Oui, sûrement. Nous pourrions très bien faire nos propres remixes aussi, ce serait super. Et nous allons probablement demander à d'autres artistes que nous aimons d'en faire. Personnellement, je préfère les remixes qui réinventent complètement une chanson, plutôt que ceux qui se contentent de rajouter une grosse caisse électronique par-dessus. Rhys : Quelque chose de plus abstrait, en fait. Faris : Oui, une interprétation plus abstraite, exactement.