Son premier disque nous avait séduits, son successeur nous a conquis. Gareth Michael Coombes est de retour à Paris, et on ne pouvait pas être plus excité, d'autant que le lieu de représentation choisi est la Maroquinerie du 23 rue Boyer, un endroit qui offre somme toute de beaux arguments pour qui souhaite être au plus près de son artiste ou groupe préféré.

Bercé par la moiteur ambiante, on attend patiemment, et en même temps pas trop non plus, celui dont on attend qu'il nous fasse passer une très belle soirée, qu'il nous embarque dans son gracieux bateau, naviguant entre les riffs typiques des 90's britanniques et des terres plus en lien avec le monde actuel, faites de samples et autres coquetteries électroniques. Et puis voilà que la nuit tombe, que le public exulte, et que la scène déjà fournie en instruments de toutes sortes accueille d'abord les musiciens, puis le grand manitou, sur un fond sonore quelconque, mais annonciateur d'un concert qu'on espère le meilleur possible.
Gaz Coombes est vocalement impressionnant. Ceux qui, avant ce soir, n'avaient jamais eu la chance de voir l'homme dans pareilles conditions sont briefés d'entrée, car c'est la pharaonique
Buffalo qui est choisie pour ouvrir le bal : en position stationnaire, ses doigts déposés sur le clavier et les yeux quasi-clos à force de concentration, Gaz attend quelques secondes avant de lancer un morceau épuré dans ses premières secondes, et qui donne donc l'occasion d'apprécier les vocalises puissantes et inspirées du dandy anglais. Consciente d'avoir pris une bonne petite claque, la salle, pas encore sonnée à cette heure-ci de la nuit, jubile pourtant déjà.
Bien que le Matador soit là pour promouvoir son nouvel opus, pas question de dévoiler toutes ses cartes dès maintenant.
Buffalo arrivée à son terme, Coombes remercie son public sans vraiment bien le regarder en face, pas par fierté mal placée, mais par manque cruel d'aplomb en ce début de set, boit un gorgée d'eau bien méritée, s'éponge le front (le monsieur sue beaucoup), et repart de plus belle avec un titre hérité de
Here Come The Bombs, le bipolaire
Sub-Divider, qui résonne comme une bombe sur le point d'exploser avant d'effectivement détoner dans un délire psychédélique mené par les six-cordes. Un titre qui sonne comme un rappel : l'ex-Supergrass a érigé une cathédrale nommée
Matador, mais avant cela, il y a une belle maison pleine de morceaux qui font toujours leur effet en concert, et il serait bien dommage d'en priver le monde.

On parlait d'un très net manque d'assurance, et c'est vrai qu'il faudra attendre les derniers titres interprétés pour le voir sortir de sa torpeur, celle dans laquelle il semble tomber entre chaque morceau. L'histoire se répète, car en novembre 2012 déjà, lors de son passage au Café de la Danse, on s'était rendu compte que le bonhomme souffrait d'un certain manque d'allant, une déficience largement compensée par la qualité de son interprétation. La même ici, ce soir, et si l'important reste la musique, quand on voit la bonne humeur et la formidable énergie déployées par Gaz à l'heure de clôturer les débats avec le furieusement jouissif
Break The Silence, on se dit qu'on aurait adoré le voir dans cet état un peu plus en amont déjà, même si, il faut bien reconnaitre qu'à l'occasion, on apprécie la douche léthargie post-morceau qui nous embrasse passé un titre aussi classe et délicat que
Seven Walls. Au passage, on aurait bien aimé dire la même chose de
Matador, mais l'artiste a choisi d'en proposer une version allongée, et plus punchy dans sa seconde partie, un choix pas franchement judicieux.

Le public en tout cas est aux anges. Les sourires ont du mal à quitter les bouilles contenues dans la cave de la Maroquinerie, des binettes pas si juvéniles d'ailleurs, preuve s'il en fallait vraiment une que Coombes est plus une préoccupation d'anciens adolescents qu'une obsession pour la jeunesse actuelle. Les musiciens, eux aussi, nous apparaissent bien sympathiques. Un bassiste rigolo et moustachu, un guitariste quelconque mais appliqué, et un multi-instrumentaliste (dixit Coombes, à l'heure des présentations, le monsieur a plusieurs offices) trop grand pour ses frusques, ils s'effacent tous derrière l'homme du soir, jouant avec application et assurant parfaitement les backing vocals lorsque demandés (
The Wire, Break The Silence...).
Petit à petit, et fort d'une appréciable modestie, Gaz Coombes montre qu'il est l'une des reliques les plus intéressantes parmi celles ramenées sur la plage par la terrible vague britpop. Ça n'est pas bien grave que son succès se construise sur la durée, qu'il soit d'estime, ou constamment à l'ombre des comebacks intempestifs et pas toujours (jamais?) du meilleur goût. Pour vivre heureux, vivons caché.