Ce qui est bien avec Peter Doherty c'est que même lorsqu'on arrive en retard, il est difficile de manquer l'un de ses concerts. Les traditionnels bouchons du vendredi à la sortie de Paris m'ont fait perdre du temps par rapport à mon heure d'arrivée prévue en Ardèche mais Pete m'a sauvé la mise.
Assister à un concert des Libertines, c'est un peu comme jouer à la roulette russe : on ne sait jamais ce qui peut se passer. Cela peut aller selon les soirs du génial au catastrophique (comme les concerts de Johnny Thunders à la grande époque). Ce soir, on a de la chance, Doherty et Barât sont au top. Visiblement, la caillette ardéchoise leur a fait le plus grand bien. J'entends les accords de Barbarians alors que je traverse des vignes et un camping fait de petites maisons en bois. Voir les Libertines dans ce cadre champêtre est presque un anachronisme mais c'est absolument délicieux. Les festivaliers sont en nombre pour le concert des anglais. La grande scène est au milieu des bois et l'air de la campagne profite pleinement aux deux compères qui semblent on ne peut plus heureux de jouer. Durant tout le concert, ils jouent épaule contre épaule, si proche l'un de l'autre, si enlacés que l'on dirait des frères de sang ou un couple séparé trop longtemps qui se retrouve enfin.
Le son est très bon et le groupe délivre tous ses classiques : Can't Stand Me Now, Up The Bracket, What Katie Did. En entendant ce morceau, on se dit qu'il est vraiment dommage que l'on ait souvent parlé davantage des Libertines pour autre chose que la musique car rares sont les groupes à avoir sorti ces quinze dernières années de tels classiques. Il y a chez eux une classe innée et un sens de la mélodie imparable qui les inscrit dans la tradition de la pop anglaise des 60's dont ils sont l'un des plus dignes héritiers. Les morceaux du dernier album tiennent la route même s'ils n'ont pas cette même évidence, à part My Waterloo que Peter Doherty avait déjà écrit il y a des années de cela. Barbarians, Anthem For Doomed Youth sont de très bons morceaux et les versions qu'en livrent ce soir le groupe sont excellentes. Le groupe délivre un set assez long qui montre leur vraie envie ce soir. Parfois, les Libertines expédient les choses à la va-vite mais c'est un concert plein et entier qu'ils nous offrent. Le public est évidemment aux anges car cela faisait un moment que l'on avait plus vu le quatuor en aussi grande forme.
Bien sûr tout n'est pas parfait. Certains titres terminent parfois en roue libre. Mais un concert des Libertines qui n'aurait pas un petit côté chaotique ne serait pas un concert des Libertines. C'est aussi pour cela que l'on aime ce groupe même s'il a parfois confondu chaos et facilité. Peut-être en fait, Doherty et Barât étaient-ils trop doués. Et l'on sait qu'être trop doué peut parfois devenir un handicap. En tout cas, c'est un plaisir de les voir ce soir dans ce si joli cadre Ardéchois, avec un bonheur de jouer évident et sentir la tendresse infinie qui sort de leurs morceaux comme de leurs guitares fait chaud au cœur. Le groupe se lance parfois dans l'improvisation totale en atteste un bout du Golden Brown des Stranglers (hommage à l'héroïne ?) et terminent ce très beau set par un hommage à Bowie avec un Life On Mars joué au piano par Carl et chanté par Pete.
Merci à l'Aluna Festival de nous avoir offert un si joli concert, si plein d'émotion et merci aux Libertines qui, lorsqu'ils le veulent, ne sont pas loin d'être le meilleur groupe du monde.