Les vrais sont là. Au Petit Bain en cette froide soirée du 8 novembre, les quinquagénaires ont vingt ans. Ils sont venus du travail, ont ouvert leur veste et remonté leurs manches. Ils sont venus entendre la musique de leur jeunesse, la pop indémodable de The Wedding Present. La date n'est pas anodine. Il y a quelques jours (le 12 octobre précisément), le groupe britannique a fêté les trente ans de la sortie de son tout premier album,
George Best. Alors pour l'occasion, David Gedge et ses trois jeunes acolytes ont décidé de jouer le disque mythique dans son intégralité sur la péniche du treizième arrondissement de Paris.
Le public est au rendez-vous. Excité comme s'il retrouvait un vieil ami.
OK Monday a la lourde tâche de faire patienter les papis mordus de pop anglaise. Le power trio met toute son énergie dans des morceaux pop rock rythmés. En apparence sages, endimanchés dans des costumes trop serrés, les trois musiciens lillois remplissent l'espace et conquièrent le public. Ça bastonne, ça gueule, ça saute. Pas d'électro, les instruments purs. Simple, efficace. On a l'impression d'assister à la performance d'un groupe de lycéens enragés. Sauf que là, la musique est impeccable et la voix aigüe d'Aurélien Gainetdinoff fait tanguer le bateau. Décapant.
The Wedding Present prend le relai. David Gedge est accompagné par Charles Layton à la batterie, Marcus Kain à la guitare, et Katharine Wallinger à la basse. Instruments noirs, tenues noires, la classe. Seule la guitare électrique de Marcus Kain détonne avec son rouge éclatant. Le groupe de Leeds n'a plus la même composition qu'avant, mais l'esprit y est. À 100%.
The Wedding Present ont réservé
George Best pour la fin du set. David Gedge explique qu'ils vont jouer quelques autres titres. Et ce n'est pas pour nous déplaire. L'ouverture avec
Once More et
Yeah, Yeah, Yeah, Yeah, Yeah électrise le public. L'énergie déployée par David Gedge est énorme. Le chanteur de cinquante-sept ans vit ses paroles, les mime, les yeux fermés. Il converse avec le public, en français. Il a sa setlist sur un iPad devant lui et s'en amuse. « On passe à la rubrique anecdote du jour ! », raconte-t-il entre deux morceaux avant de parler du nombre de bibliothèques à Paris. Quelques gars lui répondent, on assiste à un rendez-vous entre des copains.
David Gedge met volontiers à l'honneur les trois jeunes musiciens qui l'accompagnent. Et quels musiciens ! Le batteur Charles Layton est impressionnant de précision. La frappe est nette, les breaks ultra rapides sans être des démonstrations de technique.
Quand The Wedding Present annoncent qu'ils vont passer à la « side A » de l'album, les rangs se resserrent, tout le monde se met à chanter et à sauter. Pogo de quinquagénaires sur
Everyone Thinks He Looks Daft et
What Did Your Last Servant Die Of?. Face B, même topo. La fosse est pleine à craquer et la bouée d'amarrage qui sert de boule à facettes vacille au dessus de la scène du petit bain. Avec des tempos éfreinés et de gros accords saturés, The Wedding Present ressuscitent George Best.
Give My Love To Kevin est sans doute l'apogée du concert.
Vingt-deux titres et autant de litres d'eau dépensés plus loin, The Wedding Present quittent le Petit Bain, sans rappel, comme d'habitude. Un homme hurle alors : « Putain j'ai 20 ans ! ».