À peine plus d'un an après sa dernière apparition sur une scène parisienne, Glen Hansard présente déjà
This Wild Willing, nouvel album enregistré en France deux ans auparavant. Construit autour des vagabondages parisiens du chanteur, qui s'est entouré pour l'occasion de nombreux musiciens, l'attente est forte pour écouter sur scène ces nouveaux titres, dont la conception laissait déjà libre cours à l'improvisation live et faisait une place importante aux instruments.
La salle n'est pas pleine, mais le public est international. On se presse pour applaudir Glen Hansard, comme pour une messe musicale qui tient chaque fois ses promesses. A près d'une quinzaine sur scène, le groupe arrive silencieux et entame le concert sans un mot. Glen Hansard s'accompagne à l'occasion de ce passage en France, en plus de l'ensemble de cordes classiquement présent, de Warren Ellis, violoniste franco-australien aperçu notamment avec les Bad Seeds de Nick Cave.
L'entrée en matière est ébouriffante, Glen Hansard et son groupe attaquent avec les trois titres les plus denses de l'album, et font trembler le Casino de Paris sur
Fool's Game, I'll Be You, Be Me, puis
Don't settle. Les trois titres s'enchaînent rapidement, sans coupure, chacun exécuté dans une balance parfaitement pesée entre la sensibilité des arrangements orientaux, sur
Fool's Game notamment, et la puissance acoustique qui, à chaque fin de morceau, avance vers un mur sonore spectaculaire. Glen Hansard, comme à son habitude, donne ses tripes sur scène.
Don't Settle monte crescendo jusqu'à son apogée, alors que le chanteur, porté par les cuivres et les cordes, termine dans une explosion sur les derniers mots de sa chanson, « lest you forget », répétés ad libitum.
Le tournant post-folk de Glen Hansard, entre sonorités électroniques et traditions du monde, avait déjà tenu ses promesses sur pistes audio. L'écoute en live de ces nouveaux morceaux dévoile une envergure et une âme supplémentaires. Le concert se poursuit avec des titres plus anciens, en commençant par
My Little Ruin, où le groupe impressionne toujours par la sensibilité de son jeu et la précision des arrangements live. Le morceau se termine par une envolée de piano solo dont les dissonances finissent par échouer sur les premières notes de
When Your Mind's Made Up. Le public exulte lorsque la batterie interrompt l'introduction pour lancer le groupe entier. Là encore, l'engagement de Glen Hansard sur scène, la profusion des arrangements et la place parfaitement maîtrisée des cordes et des cuivres, déroulent le morceau jusqu'à ce que le piano voix final, auquel se joint le public pour chanter le refrain, n'explose de nouveau pour un dernier feu d'artifice sonore.
Glen Hansard maintient le cours du concert dans la magie de ses titres folk sensibles, et continue avec
Bird Of Sorrow, emmenant le public dans une montagne russe d'émotions, avant de jouer
Mary, balade du dernier album dont les harmonies sonores jouent sur le fil entre les traditions irlandaises et iraniennes. C'est le moment qu'il choisit pour s'adresser à la salle et avouer son émotion de revenir pour un concert à Paris, et avant de dédier le titre à celles du public qui s'appelle Mary (ou Maria, Martina, Mariana, Marketa...). Les nouveaux titres se mêlent parfaitement à ceux de son répertoire folk dont la composition oscillait entre l'origine de ses terres natales et son admiration pour la country américaine, à l'image du
Winning Streak qui arrive alors.
Ce ne seront pas moins de 21 titres qui seront offerts au public, avec une générosité toujours palpable et l'envie de délivrer un concert unique.
The Closing Door sera l'occasion pour Glen Hansard de donner plus d'explications sur la conception du morceau, inspiré par la dernière rencontre du chanteur avec Bob Dylan, lui ayant donné le sentiment qu'il ne le reverrait plus.
Race To The Bottom est écrit quant à lui autour de moments et d'images figés par Glen Hansard au cours de ses ballades parisiennes.
Instant de grâce quand Glen Hansard se met seul au piano pour
McCormack's Wall, ode à une amitié que l'alcool n'a pas suffi à changer en amour, avant d'interpréter, guitare en main,
Leave A Light, la sublime balade irlandaise qui termine son dernier opus, en duo avec Warren Ellis dont les notes à fleur de peau font vibrer la salle.
Entrecoupés de titres puissants portés par les riffs de guitare et les cuivres (
Way Back In The Way Back When, Lowly Deserter, Fitzcarraldo), d'autres titres plus intimistes cueillent le public lorsque Glen Hansard débranche les micros pour s'avancer sur la scène, armé de sa guitare et sa voix, d'abord sur
Grace Beneath The Pines. Le Casino de Paris devient la caisse de résonance de moments suspendus, totalement acoustiques, alors que seuls des cuivres et des cordes discrets, un piano étouffé, viennent déposer leurs notes en soutien du chant de Glen Hansard, dont la puissance de la voix nue délivre avec plus de vérité que jamais l'âme de ses chansons.
C'est sur le devant de la scène, en ligne face à leur public, que le chanteur et ses musiciens termineront de séduire la salle, pour un final en acoustique, une guitare, une mandoline ou une contrebasse à la main, sur une reprise de
Passing Through, standard folk américain de Pete Seeger, où chacun ou presque se partage un couplet.
Glen Hansard impressionne encore par sa capacité à délivrer une expérience musicale d'une sensibilité et d'une sincérité toujours touchantes. Le sentiment partagé par le public d'avoir assisté à un moment précieux, unique malgré l'enchaînement des concerts, rend palpable dans la salle l'émotion de ceux qui étaient venus le voir avec la certitude de verser une larme.