Trente ans déjà... Pour celles et ceux qui ont vécu pleinement la sortie de
Bizarro en 1989 (amis de 45 ans et plus, bonjour !), et qui étaient présents à la célébration parisienne en catimini car dans les locaux atypiques du Petit Bain (une péniche rappelons-le), la fougue d'antan a très vite succédé à la nostalgie du moment.
La première partie est assurée par le songwriter irlandais
Stefan Murphy qui n'est pas un débutant. Ce dernier est à l'origine de la formation indie The Mighty Stef qui a perduré jusqu'au milieu des années 2010, pour laisser place à un projet solo expérimental plutôt électro du nom de Count Vaseline. Ici, Stephan Murphy se produit seul, uniquement accompagné d'une guitare acoustique et bardé de ses multiples autocollants prouvant qu'il a bien traversé deux décennies sur la scène underground irlandaise, et nous délivre des titrés en mode ballades, aux textes souvent autobiographiques à propos de sa jeunesse, de ses amis et de sa découverte de la musique (bel hommage à notre adolescence et nos magnifiques sacs customisés de logos Metallica !).
Groupe parmi les meilleurs représentant de l'indie rock britannique de cette fin des années 80, au riff lourd et au chant jamais juste,
The Wedding Present, encore sous une nouvelle formule (ici avec la guitariste Danielle Wadey, le batteur Charles Layton et la nouvelle recrue de 2018 Melanie Howard à la basse), rend hommage à son album dont la sonorité a vraiment structuré son identité musicale.
Le long chemin parcouru depuis lors a connu de multiples départs et arrivées, venant à chaque disque apporter un nouvel ingrédient au son, quelques side-projects aussi innovants que mystérieux, une pause et un come-back qui a relancé la machine dès 2005.
Le public du Petit Bain rassemble un petit comité composé en majorité de fans de l'époque, et l'album
Bizarro étant disséminé dans son intégralité dans la setlist, se voit ponctué de titres plus rares et de deux inédits, dont le dernier single
Panama et un titre aux consonances un peu cosmiques, composé lors de leur récent concert en Norvège appelé
Telemark.
Ne pas délivrer en un seul bloc
Bizarro est une bonne idée, et permet de varier les plaisirs en entrecoupant avec de titres moins primaires, beaucoup plus orchestrés, composés bien après et qui démontrent l'évolution constante de Gedge.
Au début plutôt réservé, le public se déride petit à petit, les fans de la première heure mettent de côté leur appréhension et retrouvent le goût du pogo en fosse, au grand étonnement des quelques spectateurs plus jeunes venus prendre une leçon de rock anglais.
David Gedge semble touché par cette connexion avec ses fidèles, et ponctue les titres de pas mal de commentaires, anecdotes d'époque et, dans un français très correct, partage son réel plaisir de toujours être sur scène. L'accent du Yorkshire n'a pas bougé, la prestance scénique nous rappelle que la qualité de ce musicien ne réside pas tant dans ses mimiques sur scène que dans le dosage stratégique d'un jeu de guitare dont la puissance n'a d'égal que l'élégance.
Le public se prend de plus en plus au jeu, et les membres du groupe ont l'exultation modeste. A l'exception du batteur Charles Layton qui se prête à une série jouissive de grimaces en écho à la montée en puissance de son jeu. Le paroxysme est atteint avec le final instrumental du mythique
Be Honest, qui au long de ses huit minutes et quarante-cinq secondes (j'exagère un peu mais pas tant finalement) laisse David Gedge rincé mais indéniablement satisfait.
La leçon est ainsi délivrée de façon magistrale, sans complaisance, et le résultat rassure sur le fait que sans jamais avoir atteint un niveau record de notoriété, The Wedding Present se maintiennent sans complexes depuis plus de trente ans dans la cour des très grands.