Pour ce retour tant attendu sur les belles terres écossaises, rien de mieux qu'un concert mythique dans la mythique salle du Barrowland Ballroom, ou Barrowlands pour les habitués, en la capitale de Glasgow. Concert mythique car il s'agit d'un groupe qui célèbre trente ans de carrière jalonnés de quatorze albums et d'un nombre incalculable de prestations live : les Manic Street Preachers. Comme à l'accoutumée, nous nous rendons à eux car la France semble avoir disparue de leur atlas, ce qui est fort regrettable.
Mais c'est ici l'occasion de vérifier les bonnes critiques que Sound Of Violence a réservé au premier album des anglais de
Low Hummer,
Modern Tricks For Living, sorti en septembre dernier et qui assurent la première partie.
Jeune sextet issu de Hull, Low Hummer prouve en effet son talent sur scène, sans à aucun moment être intimidé par la foule qui ne lui est pas destinée. Néanmoins, le chant et l'attitude nonchalante de Dan Mawer, chanteur/guitariste, ainsi que l'élégance affirmée d'Aimée Duncan également au chant et à la guitare, auront réellement convaincu un public sachant se rendre disponible.
Le répertoire de Low Hummer oscillant entre post-punk moderne et rock synthétique des années 80 touche au but en couvrant les sensibilités musicales d'un large panel de spectateurs présents grâce à une série de titres tout aussi énergiques qu'un brin rétro. Les meilleurs morceaux de l'album sont joués (
Take Arms,
Don't You Ever Sleep) en début de set, mettant clairement l'ambiance. De même, le parfum de rock teinté de ce côté glacé des années 80 tient pour beaucoup au jeu de clavier de la seconde fille du groupe, Stephanie Hebdon, toute en discrétion mais en efficacité notamment sur l'excellent
The Real Thing. Cette découverte en live va bien dans le sens de la qualité de l'album et nous espérons avoir l'occasion de confirmer cette première impression bientôt en France.
Afin de célébrer le dernier album
The Ultra Vivid Lament, recueil de titres pop rock solides aux riches arrangements, les Manic Street Preachers ont entamé depuis fin septembre une tournée du Royaume-Uni afin de renouer avec leur public, privé de leurs concerts prévus en 2020.
Le Barrowlands, salle de music-hall munie d'un plafond aux étoiles et strass dignes d'une soirée disco des années 70, voit se dérouler un concert quasi complet avec un accueil que seuls les écossais savent réserver. Malgré une setlist somme toute classique concernant le répertoire du groupe (seule une poignée de titres du dernier opus et
Sweet Child'O'Mine des Guns N' Roses en guise de reprise, déjà expérimentée sur la tournée 2019), le public fait renaitre l'esprit punk jubilatoire des premiers concerts du début des années 90.
La ferveur de ce dernier, particulièrement en seconde moitié de set à l'écoute des pépites que sont
Slash'n'Burn,
Ocean Spray,
Design For Life et
You Love Us nous transportent réellement il y a vingt-cinq ans, quand le groupe démarrait sa carrière chez les voisins du King Tut's Wah Wah Hut en recevant selon leurs dires leur premier accueil digne de superstars internationales. Un morceau de cette époque, mais pourtant joué en acoustique,
From Despair To Where, réussit à transformer le public en chorale rock légèrement désarticulée devant un James Dean Bradfield qui ne boude pas son plaisir.
Les spectateurs munis de leur attirail de top fans des Manics, lequel consiste en plumes, paillettes, chemises léopard ou vestes de l'armée bardées de badges, sont présents au premier rang suivi par le reste, provenant en grande partie de cette génération des plus de quarante ans qui ont grandi avec le groupe. Ce qui n'empêche pas ces derniers de reprendre déjà en chœur les singles de
The Ultra Vivid Lament tels les très bons titres
Snowing In Sapporo et
Orwellian, hissés au rang de nouveaux classiques.
Les membres du trio savent respecter chacun leur rôle : Sean Moore imperturbable et tout en sueur caché derrière sa batterie, Nicky Wire bondissant dans ses vestes (il y en a toujours deux par représentation) customisées et pailletées, d'où le dress code du premier rang à droite de la scène, et James Dean Bradfield qui veille à ne jamais croiser un regard car en pleine immersion dans son jeu de guitare. Cependant, du fait de l'accueil bouillonnant des Glaswégiens, beaucoup de sourires sont dispensés, prouvant que ce dernier reste d'une grande sensibilité face à la réaction de l'audience.
Vingt titres et 1h30 de show, les Manic Street Preachers ne manquent pas de générosité en live et ont fait oublier le contexte toujours délicat de la reprise des concerts. A noter que l'Écosse applique le système d'un pass sanitaire dans les salles au-delà d'une certaine capacité, ce qui rend le lâché de masque plus serein. Et plus pratique pour boire sa bière (avec modération), car un concert au Royaume-Uni sans un verre dans la fosse frôlerait l'accident diplomatique.