Si le nom de Just Mustard ne vous dit rien, c'est que vous êtes passés à côté de l'une des révélations de l'année 2022. Les Irlandais de Dundalk, forts d'un second album (
Heart under) paru à la fin du mois de mai, venaient se produire cette semaine sur la scène du Hasard ludique à Paris, quelques mois après avoir ouvert le concert de leurs compatriotes de Fontaines D.C. à l'Olympia. On attendait beaucoup de la performance de ce groupe dont les prestations sonores laissent, paraît-il, forcément des souvenirs auditifs…
La salle affiche complet ce soir-là et le public est déjà présent massivement pour assister au cours set de
Lehder Blue. Pas déplaisant et plutôt bon enfant, la production live des Portugais permet de chauffer une salle dont la température est déjà bien élevée. Un peu de musique, avec notamment Death In Vegas, Daughter ou encore Anna Von Hausswolf, puis la lumière s'éteint et
The Pink Room d'Angelo Badalamenti résonne dans la salle parisienne avant que le groupe ne prenne place sur scène.
Les cinq membres de Just Mustard entament leur set avec
23, plage d'ouverture de leur dernier album. Si Mete Kalyon joue de la guitare avec un archet, ce qui nous frappe d'emblée c'est bien la résonance de la batterie, mais encore plus le son émanant de la basse de Rob Clarke. Cette dernière vibre incroyablement et apporte au son du groupe une caractéristique très particulière. Alors bien entendu, la voix de Katie Ball fait souvent penser à celle d'Alison Shaw de Cranes, surtout lorsqu'elle décide de monter dans les aigus. Mais ce sont bien les deux instruments précités et l'impression de puissance qui en ressort qui nous marquent le plus.
Le groupe est relativement statique, à l'exception du deuxième guitariste David Noonan, officiant parfois aux chœurs, qui secoue souvent sa tête en déversant les lignes noisy de son instrument. Katie Ball reste cramponnée à son pied de microphone. Assez peu expressive, elle finit par lâcher un petit "thank you" avant que le groupe n'entame
In Shade. Bref, le spectacle est quasi exclusivement sonore et, à ce niveau-là, il faut bien avouer que nous ne sommes pas déçus.
Les Irlandais parcourent leur discographie et ne se contentent pas d'interpréter leur dernier disque sur scène. C'est par exemple le cas de
Seven, un de leurs meilleurs singles où les guitares rugissantes hypnotisent l'audience. Le contraste spectaculaire entre la voix délicate de la chanteuse et les coups de batterie de Shane Maguire, et le son de basse de Ron est saisissant, mais finalement on distingue à merveille la contribution des cinq Irlandais à la musique du groupe avec une clarté sonore assez étonnante, et cela malgré la puissance musicale déversée. On retiendra particulièrement de ce concert, le son de batterie Joy Division-ien de
Mirrors, la veillée funèbre d'
October, le côté étouffant de
Deaf et glaçant de
Sore.
Celui-ci se conclut avec
Seed et Katie Ball s'adresse enfin à l'audience juste avant son entame. Cet ultime morceau démontre une fois encore toute la puissance de Just Mustard qui dévaste tout sur son passage. Le groupe quitte la scène sans un mot après une heure et dix minutes très intenses. Les lumières s'allument immédiatement et la musique d'Angelo Badalamenti résonne à nouveau dans la salle. Le
Twin Peaks Theme est probablement le meilleur morceau possible pour accompagner la sortie de ce groupe, qui ne doit pas laisser David Lynch indifférent. Le public semble ravi de cette performance sonore, assez folle, il faut bien l'avouer. Quand à nous, nous partons reposer nos oreilles avant de prochains concerts live.