L'année 2022 aura été des plus prolifiques pour Yard Act, passés de sensation à valeur sûre de la scène rock de Leeds. Nous ne reviendrons pas sur le parcours aux allures de marathon de la bande à James Smith, leur incessant cheminement vers la gloire entamé depuis l'été 2021 les voyant passer et repasser partout où l'accueil se fait chaleureux entre le Royaume-Uni et l'Europe. Sans oublier une balade d'ouest en est en Amérique du Nord, une liste record de festivals, tout cela au prix de quelques craquages bien légitimes qui ont amené à quelques annulations bien vite pardonnées.
A la question de la nécessité de cette suractivité quand on « débute » (pour rappel James Smith et Ryan Needham ont déjà quelques groupes et albums derrière eux), Sam et Ryan nous avaient répondu lors de leur passage à Rock En Seine que c'était là le deal, et que tant que l'on voudrait bien d'eux, ces hyperactifs ne se feront pas prier. C'est donc dans cet esprit conquérant que le groupe termine l'année sur une nouvelle « tournée de Noël » au Royaume-Uni en se produisant cette fois dans des salles à capacité un cran au-dessus de celle qui les avaient accueillis au printemps. Nous nous invitons alors à la fête, le fan français n'aimant pas se sentir ignoré, dans la belle et fière contrée galloise à Cardiff au Tramshed, où près de 1000 spectateurs assistent à la nouvelle montée en puissance de Yard Act.
J'entends déjà les esprits ronchons / râleurs / en manque de caféine qui me susurrent indélicatement à l'oreille qu'avec un EP et un album, soit environ quinze morceaux, et plus de 200 concerts à ce jour dixit setlist.fm, le bouchon a largement été poussé et qu'il faut passer à autre chose. J'acquiesce sur la théorie mais vient contredire ces propos négatifs en leur apportant la preuve que les concerts de Yard Act, après un an et demi de pratique non-stop, réussissent à s'affiner, à se professionnaliser, à gagner en énergie et James Smith, leader énigmatique aux trench-coats inusables (la question du nombre d'imperméables dans sa garde-robe se pose sérieusement) continue de vivre à 100% ses titres à la bile rageuse.
Le Tramshed affiche complet depuis septembre et le public, pour la plupart déjà présent lors du premier set chez le petit frere Clwb Ifor Bach (merci d'aller vérifier la prononciation afin de ne pas vexer un dragon rouge), reste tout aussi déchainé et peut reprendre maintenant en chœur les refrains caustiques, renvoyant au groupe toutes les preuves de sa loyauté et de son soutien sans faille.
Bien que toujours armés du seul
The Overload, premier opus brillant qui, s'il ne figure pas dans votre top 2022, vous vaudra un ban sur ce site internet, Yard Act se renouvellent : dorénavant accompagnés d'un claviériste - saxophoniste pour enrichir la musicalité des morceaux, la scénographie elle-même s'étoffe avec un grand panneau led qui reprend ce qui est le « slogan » du groupe, et un mix de deux titres phares de l'album : « 100% Irrelevant ». Toujours les premiers à manier l'ironie, on retrouve ainsi sur scène toute l'éloquence et la folie d'un James Smith aux lunettes qui s'embuent continuellement par tant de vigueur, la guitare enflammée et la semi-transe de Sam Shjipstone dont les bacchantes gagnent en épaisseur de concert en concert, puis en second plan Jay Russel, imperturbable derrière ses fût et le lunaire Ryan Needham qui, malgré une attitude effacée et un visage à la limite de la mélancholie, apporte le groove chaud et profond indispensable à chaque morceau grâce à son jeu de basse.
Afin de nous rassurer sur l'avenir de la formation, un inédit nous est enfin présenté. A l'image de ses prédécesseurs,
Dream Job est un nouveau petit brulot satirique et décalé sur la société qui est aujourd'hui la nôtre, toute en certitude mais terriblement creuse. C'est ainsi que dorénavant nous dépassons l'heure de concert avec beaucoup de bavardages entre les chansons, les sujets de sa majesté le Roi goûtant plus facilement aux petits mots et anecdotes délivrées par un James Smith très inspiré. Et comme rien ne semble rassasier leurs appétits féroces, 2023 verra Yard Act s'exiler à l'autre bout de la planète pour un premier passage chez les lointains cousins australiens puis revenir dans leurs terres pour un dernier rappel dans de véritables arénas pour le final début mai à la prestigieuse Brixton Academy.
Le jour de la paie est en effet arrivé pour Yard Act et l'acharnement de ce groupe à faire entendre et apprécier son post-punk érudit et acide estampillé « Made in The North » le rend aujourd'hui indispensable, tout en lui faisant parcourir en presque deux ans autant de chemin (artistiquement comme kilométriquement) que bien d'autres sur des durées doubles, voire triples.