La treizième édition du festival Days Off nous réservait cette année une belle affiche d'artistes venant d'horizons variés tels que Sigur Rós, José González, Kevin Moby, Thylacine et Interpol. La programmation est principalement axée sur le folk, avec une touche de rock et d'électronique. Nous avons choisi de nous laisser emporter ce soir par la douceur et l'émotion en assistant aux performances de November Ultra et Ben Howard, qui partageaient cette soirée en deux actes. Malgré une pluie presque diluvienne, nous nous précipitons vers la Philharmonie de Paris (je vous assure, je n'ai pas essayé de chanter !) pour retrouver ces deux artistes dans la Grande salle Pierre Boulez.

Connaissez-vous
November Ultra ? Même si vous n'avez peut-être pas encore entendu ses chansons, vous en avez sûrement déjà entendu parler. Auteure-compositrice-interprète française, elle a été nommée révélation féminine aux Victoires de la Musique. C'est la première fois que nous la voyons sur scène, dans un décor poétique rappelant l'intimité chaleureuse d'une chambre. Des bouquets de fleurs champêtres et des lampes sont disposés à des endroits clés, avec une grande fenêtre dont les lumières évoluent au gré de la musique et de ses émotions.
Dès qu'elle commence à chanter, une sorte de magie opère et le public, loin d'être dissipé, l'écoute religieusement. Elle est accompagnée d'un musicien pendant la première partie de son spectacle, avant de jouer finalement seule avec sa guitare ou au piano. Ses titres, tous plus beaux les uns que les autres, nous procurent des frissons, peu importe la langue dans laquelle elle chante, que ce soit en espagnol pour rendre hommage à son grand-père ou en anglais. Avec beaucoup de délicatesse sur des morceaux tels que
Come Into My Arms ou
Le Manège, sa voix monte au moins aussi haut que les projecteurs et nous transperce de frissons. On est saisis par tant de beauté et simplicité à la fois.
November Ultra se montre proche de son public, honorée d'être à l'affiche du festival Days Off, mais sans se laisser intimider pour autant. Si elle est capable de nous toucher en plein cœur avec ses chansons, entre chaque morceau, elle se montre bavarde et trouve toujours la bonne réplique pour nous faire rire. Nous apprenons ainsi qu'elle est scorpion, que son grand-père la trolle sur les réseaux sociaux, que son obsession est d'avoir des crushs pour des gens, ou encore qu'elle a toujours rêvé de ressembler à Mariah Carey pour enregistrer une chanson de Noël. Sa personnalité solaire et joyeuse rend ses chansons encore plus puissantes et captivantes. Nous l'écoutons pendant une heure sans ressentir le moindre ennui, même lorsqu'elle nous chante des berceuses.
Lorsqu’elle nous propose de faire les chœurs, on doit bien reconnaître que nous sommes pris de quelques complexes face à cette Diva, alors seuls quelques timides murmures se font entendre. En revanche, quand elle nous invite à siffler comme des oiseaux sur
Soft And Tender, le parterre et les gradins se transforment en un joli jardin en plein printemps. Nous sortons de cette première partie avec le sourire et conquis. Une Victoire de la Musique qu’elle mérite amplement et une révélation féminine qui est aussi un peu la nôtre ce soir.
Après une pause de trente minutes, le temps de s’hydrater et de manger un morceau, nous rejoignons nos places. L'impatience gagne la Philharmonie à l'idée de retrouver le chanteur-compositeur britannique
Ben Howard pour son cinquième album
Is It?. Quand il arrive sur scène, sous les applaudissements chaleureux et les acclamations, des oiseaux continuent de siffler pour exprimer leur joie parmi les spectateurs. Contrairement à la mise en scène calfeutrée de November Ultra, Ben Howard occupe pleinement l'espace avec ses cinq musiciens (violoncelliste, batteur, bassiste, claviériste et batteur) et un écran géant.
Le concert s'ouvre avec
Moonraker, une folk progressive emplie de chœurs et d'effets. Les cordes glissent mélodieusement entre les sons graves du violoncelle et les sonorités extrêmement aériennes de la guitare jouée à plat au bottleneck. Pour ne pas interrompre la direction légère et joyeuse et qu'il a donné à
Is It?, Ben Howard enchaîne avec
Walking Backwards, le délicieux
Days Of Lantana et
Couldn't Make It Up. Le drôle de petit personnage présent sur la pochette de son album vient servir de fil conducteur tout au long de ces quatre morceaux.
Si l'écran géant peut sembler déroutant au début, surplombant les artistes et leur jeu, rapidement il nous hypnotise et tout particulier sur
Follies Fixture. Les images alternent entre noir et blanc et négatif, défilant comme des souvenirs... Ce morceau, joué uniquement en guitare-voix, est l'un des moments les plus vibrants du concert, grâce à sa simplicité et sa sincérité.
Malgré les morceaux plus produits, joyeux et soignés de
Is It?, ce sont finalement ceux de ses albums précédents (et en particulier
I Forget Where We Are) qui remportent le plus de succès et sonnent le mieux sur scène.
Il y a bien sûr
Small Things, avec sa guitare profonde, la batterie puissante et la voix de Ben Howard, tantôt mesurée, tantôt se transformant en cri. Mais aussi
All Is Now Harmed dont la montée instrumentale ultra progressive nous tient en haleine. Le jeu aux rods à la batterie produit un son étouffé comme un battement sourd et violent dans la poitrine, tandis que la voix de Ben Howard ne semble là que pour accompagner ce qu’il se passe autour de lui. Enfin, le calme revient sous les chuchotements du public, scène et fosse réunis dans une même émotion.
Ben Howard clôture son set avec
Spirit. Après une heure et demie, les lumières se rallument de manière un peu agressive, sans rappel. Malgré un beau final, on reste un peu sur notre faim. Le concert était chouette, réussi, joué avec précision, mais il nous a manqué ce petit quelque chose pour que nous nous sentions pleinement emportés. Peut-être car nous sommes restés simples spectateurs et que nous n’avons pas ressenti cette connexion qui habituellement se crée avec la scène.