Le voilà, l'évènement le plus attendu de l'année ! Pas la Coupe du Monde de Rugby, pas le défilé de Charles III sur les Champs-Elysée, pas la sortie du dernier Miyazaki, qui est quand même très fouillis si vous voulez mon avis. Non, ce soir, c'est le concert de
Black Honey a.k.a le meilleur groupe de l'année 2023 au Badaboum, et si vous aussi vous constituez actuellement un Top 10 des albums de l'année, l'avantage c'est qu'il n'y a plus que les places 2 à 10 qui restent à prendre.
Une venue à Paris un dimanche soir, à l'heure de feu Ça Cartoon et du JT de Laurent Delahousse, en forme de remède au blues du retour à l'école, parce que demain c'est DS de Maths et que vous n'avez toujours pas révisé vos intégrales doubles. Mais vous savez qui s'en carre les noix de coco de votre DS de demain ? Black Honey, et comme le nouvel album
A Fistful Of Peaches arrivait les deux pieds en avant façon Jean-Claude Vandamme, Izzy B Phillips déboule en body Balmain Paris et cuissardes de cowboy cloutées pour envoyer
Charlie Bronson, bourre-pif de disto hurlé avec force maquillage qui coule et faux pistolets faits avec les mains.
Izzy B, chanteuse incendiaire, au look et aux attitudes défiant le bon goût et la normalité pour notre plus grand plaisir, et
All My Pride, un des plus gros tubes de la jeunesse du groupe, envoyé en deuxième lame pour surchauffer une salle du Badaboum que l'on découvre pour la première fois dans une configuration concert plutôt que boîte de nuit. Une bonne surprise quand on voit la hauteur et la taille de la scène, ainsi que la qualité d'un son n'obligeant pas, pour une fois, à s'enfoncer les bouchons jusque dans le cerveau pour rentrer avec ses tympans.
Beaches renoue avec les inspirations surf-music tarantinesques du groupe pour un grand moment de fun, avant que les lumières ne descendent se poser sur la star du film de ce dimanche soir : Izzy la dramatique, chantant seule l'introduction de
Spinning Wheel dans un cabaret des années 50, et quelques accords en tremolo pour tapisser son désespoir. Fin de l'intro. Tout le monde se regarde. Personne ne bouge. Personne ne crie. Sauf Izzy. « I beg your pardon, Paris ? ». Moment le plus distingué du soir pour réclamer des hurlements, et la
Spinning Wheel qui burn sur le sable du dangereux far-west que l'on appelle le Badaboum. Début des pogos, fin du premier acte, et le temps de se lancer plus avant dans le dernier album en date.
Heavy et
Cut The Cord ravissent le public, un public qui connait déjà les paroles par cœur (si vous vous demandez qui vous hurlait toutes les paroles à l'oreille, oui, c'était moi), la salle retranscrit parfaitement la lourdeur et l'élan des chansons sans noyer les lignes de guitare ni les voix d'Izzy et de Chris Ostler, guitariste génial et choriste principal du groupe, une belle idée tant la puissance vocale générale y gagne durant les refrains, quand Tommy Taylor, le bassiste, ne se rajoute pas en plus à la fête. Une fête qui prend des proportions violentes tant on s'arrache les mains, la voix, puis les t-shirts sur le tube
I Like The Way You Die,
OK se révèle être autant en live qu'en studio l'une des meilleures chansons du groupe, d'une propreté impeccable, avant que ne vienne le moment de parler.
Des petits speechs, Izzy en fera pas mal, décrivant Paris comme un monde à part malgré sa proximité avec Londres, ou expliquant que beaucoup de ses chansons viennent du sentiment d'être une étrangère, une alien, dans un monde dans lequel tout le monde fait semblant d'être bien, beau, et équilibré. Un sujet qui parle à beaucoup des nombreux jeunes adultes voire adolescents venus ce soir, et un sujet duquel découle une certaine barbarie sonore nommée
Tombstone. Badaboum fait la batterie, badaboum fait le sol de la salle, les cris d'Izzy déchirent le papier peint, les à-coups de la chanson fissurent le béton des murs les plus durs, Black Honey ne récupéreront sans doute pas la caution du loyer, mais ils s'en foutent, car ils ont déjà récupéré le cœur de tous leurs fans.
Disinfect relance une nouvelle frappe nucléaire, l'album
Written & Directed étant sans aucun doute le plus violent du groupe, avant l'introduction du dernier single en date :
Lemonade. Un dicton anglais qui veut que si la vie te donne des citrons, fais-en une limonade, mais Izzy B n'a pour elle que des citrons amers, alors autant les jeter à la gueule de tous ces connards qui ne veulent du bien qu'à eux-mêmes.
Une fin de concert qui va s'orienter dans cette direction, une chanteuse qui met des coups de pied dans l'air sur
Hello Today, le speech de fin de
Up Against It qui, plus encore que sur l'album, fait pleuvoir de l'eau salée sur les joues,
Midnight en mode disco-rock croisant ABBA et Royal Blood sous une lumière violacée, le solo fou de
Out Of My Mind et
Run For Cover, chanson portant très bien son nom transformant en quelques secondes la piste de danse en champ de bataille sans foi ni loi. Mais la fin n'est pas la fin tant que
Corrine ne nous est pas revenue, chanson des débuts étirée d'évènements et de prises de paroles en tous genres : un mec veut slamer sur la foule, se gaufre, Izzy le remonte, et rameute la foule pour le porter d'un bout à l'autre de la salle. Petit passage sur scène pour Anthony, le chanceux du soir, avant qu'Izzy n'invite toutes les femmes, personnes non-binaires, personnes discriminées de tous bords à se rapprocher alors qu'elle descend dans la fosse. Oh la belle cocotte, comme on dit au rugby, une cocotte qui progresse sur le terrain des luttes sociétales et qui conclut cette heure et quart de concert de la plus belle des manières.
Décidément, de tout le talent qu'ils déploient en studio, on en oublierait presque que Black Honey est d'abord et avant tout un groupe de live. Et d'avoir déjà sorti le meilleur album de l'année, Black Honey viennent de livrer l'un des concerts de l'année, une assertion qui m'est toute personnelle, j'en conviens, mais si vous ne me croyez pas, soyez là la prochaine fois !