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Keane
The Sherlocks

Paris, Olympia - 26 avril 2024

Live-report par Laetitia Mavrel

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Il y a de cela vingt ans exactement, nous étions pris dans le tourbillon du renouveau de la scène british indé portée par Franz Ferdinand, The Libertines et autres Kasabian alors qu'outre-Atlantique, c'est la tornade The Strokes qui ravageait tout sur son passage. Nous rentrions alors dans ce XXIème siècle sous le règne de Myspace, de l'iPod et Blackberry, les réseaux sociaux n'ayant pas encore vampririsé notre temps de cerveau disponible. Pour beaucoup d'entre nous, la découverte de nouveaux groupes nécessitait encore le passage aux bornes d'écoute des magasins FNAC. C'est ainsi que votre chroniqueuse un beau jour de mai s'arrêta sur un nom totalement inconnu et une pochette de CD monochrome somme toute banale mais très élégante dans sa calligraphie. Hopes And Fears de Keane lui apparut pour la première fois et ce fut le coup de foudre à la première écoute.

Depuis lors, Keane n'ont jamais disparu de nos radars, ayant sorti en tout six albums incluant quelques périodes de pause pour laisser à Tom Chaplin, leur leader, tout loisir de produire trois essais solo de bien belle facture. La popularité de Keane ne s'est jamais démentie au Royaume-Uni, et bien que leur notoriété en France soit plus modérée, la communauté de fans de l'Hexagone a toujours su faire très bon accueil à la pop-rock élégante de Tom Chaplin, toujours accompagné de Richard Hugues, Tim Rice-Oxley et Jesse Quin. Soyons tout à fait honnêtes, les efforts fournis par le groupe n'ont depuis Hopes And Fears jamais atteint son degré d'excellence, chacun des disques ronronnant tranquillement dans un registre pop-rock très grande écoute, parfois un peu trop lisses, délivrant cependant toujours deux ou trois morceaux plus stylés mais demeurant dans leur globalité assez linéaires. Et pourtant, grâce au sens de la mélodie très subtil de Tim Rice-Oxley et au chant emblématique de Tom Chaplin, nous n'avons jamais tourné le dos à Keane, espérant secrètement pour eux une nouvelle épiphanie. Cause And Effect sorti en 2019 nous ayant un peu rassuré sur la capacité de Keane à se renouveler partiellement, nous attendons donc le prochain opus et bénéficions d'une magnifique occasion de célébrer les vingt ans de Hopes And Fears avec une tournée anniversaire qui mène les Anglais à l'Olympia de Paris pour deux dates sold-out.


La première partie est assurée par The Sherlocks, petits génies issus de Sheffield qui, depuis 2017, proposent également une pop-rock à la production très soignée et à la vitalité contagieuse. C'est également l'occasion pour votre chroniqueuse d'enfin découvrir le groupe sur scène, après les chroniques des deux derniers albums World I Understand et People Like Me & You qui, avouons-le, nous ont partiellement convaincus. Voici donc le groupe qui va en une toute petite demi-heure nous proposer un set hyper carré, à l'image des disques très travaillés mais qui sur la longueur peuvent manquer un peu de relief. Et pourtant, les frères Kiaran et Brandon Crook ne manquent pas d'énergie, le quatuor saura s'approprier l'immense scène de l'Olympia tout en gardant une certaine retenue, liée ou non au stress de se produire dans un lieu aussi prestigieux. Disposés en rang d'oignons, extrêmement concentrés et de ce fait peu expressifs à l'exception de Brandon à la batterie et Trent Jackson à la basse qui assureront le plus la communication avec le public, les titres défilent et réussissent à faire se mouvoir les premiers rangs de la fosse compacte et décidément d'humeur dansante.
Un set très professionnel mais bien trop court pour pleinement rentrer dans le rock très calibré de The Sherlocks, mais leur entrain et surtout leur reconnaissance envers le public parisien d'être venu plus tôt pour les écouter font plaisir à voir. Très touchés du bon accueil réservé, The Sherlocks proposent à qui le souhaite de les retrouver au stand merchandising pour faire connaissance. On espère bientôt une nouvelle occasion de les revoir dans la capitale cette fois-ci en tête d'affiche pour mieux profiter de leur musique.


C'est enfin le tour de Keane de pénétrer sur scène, face à un Olympia plein à craquer et aux balcons déjà debout. Le succès de Hopes And Fears a propulsé Keane sur toutes les plus grandes scènes britanniques, parfois en premières parties de groupes illustres tels U2, et récoltant de nombreuses récompenses, l'album s'étant vendu au seul Royaume-Uni à plus de deux millions d'exemplaires. Cette tournée anniversaire est ainsi l'occasion de renouer en live avec ce disque qui, fait rare, se trouve être parfait du premier au dernier titre, la puissance des émotions retranscrites au travers des morceaux et la qualité de sa production en faisant encore à ce jour un des meilleurs albums de pop anglaise de ces vingt dernières années. N'ayant pour notre part pas été fidèle à Tom Chaplin et ses comparses s'agissant de leurs prestations live, c'est avec beaucoup d'excitation et peut-être un peu d'appréhension que votre chroniqueuse attend ce concert. Le public, lui, ne semble pas se poser toutes ces questions, une grande partie des présents ayant traversé la Manche pour se retrouver ce soir, suivant le groupe tout au long de la tournée. On retrouve massivement des fans dits « d'époque », soit de joyeux quadras voir quinquas, armés pour beaucoup de tee-shirts d'origine. On sourit également dès l'entrée face à la longueur de la queue réservée aux dames en comparaison avec celle des messieurs, nous-mêmes ne pouvant indéniablement toujours pas résister au timbre de voix enchanteur de Tom Chaplin.

Ce concert anniversaire prend cependant une tournure un peu innatendue, en ce sens que l'album ne sera pas interprété dans l'ordre de son tracklisting. Keane ont choisi de délivrer une prestation sur plus d'une heure et demie en y disséminant les morceaux de Hopes And Fears parmi un choix très varié, se baladant dans toute leur discographie. On retrouve une scène au décor épuré, seulement équipée de grands panneaux blancs au travers desquels viendront se projeter de très fortes lumières tantôt banches, donnant une impression cotonneuse, tantôt rouge, verte ou bleue vives, créant un lightshow peut-être un peu trop agressif face à la subtilité de la pop de Keane. Cet habillage ne semble pas gêner Tom Chaplin, véritable maitre de cérémonie de la soirée. Avec cet air d'éternel ado, le visage certes moins poupin que lors des débuts et la coupe courte et joliment argentée, vêtu à la « casual Friday » avec petit blouson vert et sneakers blanches, c'est le sourire perpétuellement aux lèvres et dansant de tout son saoul qu'il va mener le concert. Microphone en main ou jouant avec le pied, bondissant d'un bout à l'autre de la scène pour chanter avec ses compères, se rapprochant un maximum du premier rang, Tom Chaplin rayonne autant que ses titres, donnant une véritable nouvelle vitalité à des chansons globalement plus standardisées issus de Perfect Symmetry ou Strangeland, albums plus anecdotiques.


S'agissant de la star de la soirée, ses morceaux parsèment ainsi toute la setlist, leur interprétation aussi brillante que sur disque, et les titres les plus poignants tels We Might As Well Be Strangers, She Has No Time, On A Day Like Today et Untitled1 permettent à Tom Chaplin de nous faire démonstration de l'excellence de son chant. Cette voix chaude et si fine n'a pas perdu une once de ses capacités en vingt années, malgré les quelques excès auxquels s’était accoutumé son interprète, et l'énergie et la bonne humeur de ce dernier irradient la salle du boulevard des Capucines. C‘est évidemment au son des grands hits que sont Everybody's Changing et Somewhere Only We Know, également accompagnés de quelques autres singles à succès comme Is It Any Wonder? et Crystal Ball, que l'applaudimètre explose. Ce qui nous ravit est l'enthousiasme non feint du groupe et les nombreux échanges entre Tom Chaplin et le public, nous donnant quelques anecdotes sur la naissance du groupe et l'accès au succès il y a vingt ans, se remémorant leur première scène parisienne au Batofar en 2004, et transformant l'Olympia en karaoké géant sur You Are Young, Paris remportant semble-t-il le prix du meilleur chant de toute la tournée. C'est un public conquis, reconnaissant et surtout hypnotisé par le charisme de Tom Chaplin, qui continuera longuement de chanter après le karaoké improvisé, à grand renfort de lampes torches de portables et qui fera s'émouvoir les musiciens, eux-mêmes comblés d'un tel accueil même après vingt ans de carrière.

Le concert se termine sur un rappel de quatre titres avec le rare Sovereign Light Café et, surtout, ce qui demeure le meilleur morceau de Keane tout album confondu, Bedshaped, qui continue de bouleverser quiconque à son écoute, votre chroniqueuse la première qui a su faire fi des nombreux quolibets se moquant de sa tendance à se laisser fondre tel Magnum vegan au soleil à la simple écoute de cette magnifique chanson. C'est donc sur cette petite beauté que le concert se termine, sous les vivas d'un public fidèle et un groupe qui remerciera très humblement les fans anciens comme récents de leur permettre de continuer à vivre de leur musique et de répondre toujours présents.

Une soirée forte en émotions et une célébration méritée qui confirment que Keane et leur premier album Hopes And Fears demeurent dans nos cœurs et nos oreilles depuis vingt ans maintenant.
setlist
    The Sherlocks
    Falling
    Here & Now
    NYC (Sing It Loud)
    Face the Music
    Live for the Moment
    City Lights
    Chasing Shadows

    Keane
    Can't Stop Now
    Silenced By The Night
    Bend And Break
    Your Eyes Open
    Nothing In My Way
    The Way I Feel
    Sunshine
    You Are Young
    Everybody's Changing
    On A Day Like Today
    Perfect Symmetry
    A Bad Dream
    Untitled 1
    Spiralling
    Is It Any Wonder?
    She Has No Time
    Allemande
    This Is The Last Time
    Crystal Ball
    Somewhere Only We Know
    ---
    In Your Own Time
    We Might As Well Be Strangers
    Sovereign Light Café
    Bedshaped
photos du concert
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