Il n'est pas loin de vingt heures, le mardi 4 juin, lorsque je monte l'allée du Grand Théâtre Romain pour assister à mon deuxième concert des Nuits de Fourvière 2024, sous le soleil cette fois-ci. Monter l'allée, pourquoi faire, me direz-vous ? Pour accéder aux gradins. Je me dis que, pour le concert de ce soir, l'ambiance sera propice à la contemplation, et à la vue d'ensemble du Grand Théâtre, de la scène, et de la belle ville de Lyon s'étendant en arrière-plan.
La soirée de la veille (Amyl & The Sniffers puis King Gizzard & The Lizard Wizard), depuis la fosse du Grand Théâtre, m'a laissé de nombreux bleus et douleurs musculaires aux bras et dans le dos. Un peu de tranquillité ne fera pas de mal.
Et puis finalement... zut. Je descends quand-même dans la fosse. A 20h30, je m'attends à voir arriver une première partie comme la veille, mais il n'en est rien. Une demi-heure plus tard, à vingt-et-une heures précises, quatre musiciens apparaîssent humblement au milieu des instruments et divers meubles disposés sur la scène, tel un décor de pièce de théâtre. Il s'agit de Jean-Marc Butty, James Johnston, Giovanni Ferrario et John Parish.

PJ Harvey arrive alors sur scène, lentement, sans aucun geste, absorbant les applaudissements du public, avant de chantonner le début de
Prayer At My Gate, de son dernier disque
I Inside The Old Year Dying, paru l'an dernier. La voix profonde et éraillée de l'artiste est fidèle au disque et mouche le public, qui tombe immédiatement dans une contemplation quasi méditative.
Vêtue de sa longue robe blanche fendue parsemée de branches d'arbres et une partie de ses cheveux remontés sur la tête, légèrement décoiffée, PJ Harvey ressemble à une prêtresse. Une magicienne qui envoûte le public de ses grands gestes et pas de danse parfois enfantins, comme sur
Autumn Term. Les évocations de Dieu et de l'amour de
Lwonesome Tonight, dans un crépuscule tombant sur une foule silencieuse, dans un théâtre romain, suspendent le temps.
Cette atmosphère, à la fois légère et sombre, se poursuit avec les titres suivants, notamment
I Inside the Old Year Dying, A Child's Question, August, et
A Child's Question, July.

Les titres, assez courts, s'enchaînent les uns après les autres, sans parole inutile, les musiciens concentrés sur leur performance, et PJ Harvey plongée dans son personnage. Entre les morceaux, elle se fige régulièrement, plongeant ses yeux perçants dans ceux des spectateurs comme pour y percevoir leurs secrets. Le jour est encore bien présent mais décline, faisant écho aux chansons, à la fois sombres et mélancoliques, mais emplies de beauté et poésie.
Davantage grunge, le groupe termine de parcourir neuf chansons du dernier album avec le légèrement nerveux
A Noiseless Noise, qui a pour effet de nous sortir de notre contemplation. Polly Jean quitte alors discrètement la scène, laissant ses quatre musiciens jouer et chanter sans elle l'entêtant et joyeux
The Colour Of The Earth, chanson semblant sortir tout droit d'un pub.
C'est sur ce titre que débute la deuxième partie du set, avec les trompettes guerrières systématiquement ovationnées de
A Glorious Land, puis
The Words That Maketh Murder de
Let England Shake, le public encouragé par les musiciens à prendre part en tapant des mains en rythme.
Cette deuxième moitié de concert fait la part belle à des titres plus anciens de PJ Harvey, parfois plus énervés et moins minimalistes, tels que
50ft Queenie, Man-Size et le dansant
Dress. Maintenant, les spectateurs sortent quelque peu de leur torpeur et bougent davantage, heureux de profiter d'anciens titres ayant marqué des moments de leur vie.

L'entraînant
Down By The Water fait un effet immédiat sur le public, qui se tortille désormais sur la ligne de basse. Du même album paru l'année de naissance de votre rédactrice (et oui, je ne suis plus toute jeune), la chanson éponyme
To Bring You My Love permet d'écouter la version plus brute et « garage » de PJ Harvey, mais aussi de sa voix. Le groupe salue alors le public avant de se retirer puis de revenir pour un court rappel avec
Horses In My Dreams.
C'est ainsi que s'achève une soirée poétique, bien qu'un peu courte (1h20 de set seulement, sans première partie), sublimée par le mythique Grand Théâtre Romain de Fourvière.
Crédit photos : Paul Bourdrel – Les Nuits de Fourvière