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IDLES

Lyon, Nuits de Fourvière - 5 juillet 2024

Live-report par Lena Inti

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Vous qui lisez ces lignes, souvenez-vous il y a quelques jours encore de l'ambiance morose qui régnait partout autour de nous, à la télévision, sur les réseaux sociaux, à la radio ou dans la rue. La faute à la montée du fascisme en France, des menaces, propos et agressions racistes explosant ces dernières semaines, légitimés par la percée du Rassemblement National aux élections européennes et à la montée historique des votes en sa faveur au premier tour des élections législatives anticipées suite à la dissolution de l'Assemblée nationale par notre cher président.
Souvenez-vous aussi de l'inquiétude des milieux de la culture, des artistes, collectifs, intermittents du spectacle, salles de concert, festivals, menacés par un éventuel futur gouvernement aux mains du RN. Et entre les deux tours de ces déprimantes élections législatives, à deux jours du scrutin final et de ses résultats tant redoutés : une bulle, une communion musicale sous forme d'une soirée de concerts surplombant Lyon. Un concert tant attendu, rendu plus spécial encore par le contexte politique.

Car les deux groupes que nous allons voir ce soir du vendredi 5 juillet 2024, sont tous deux très engagés. Le premier, Bandit Bandit, un duo stoner rock français formé en 2019 à Montpellier et installé à Lyon, composé de la chanteuse et guitariste Maëva Nicolas, et du guitariste Hugo Herleman, et récemment auteur d'un excellent premier disque nommé 11:11 (cependant paru à minuit le 29 septembre dernier).
A 20h30, le duo accompagné de ses musiciens entre sur scène sur le gros riff de Curseur, tiré de leur premier album. Le public profite des riffs bien lourds et des envolées plus pop du refrain, et admire l'énergie communicative de la chanteuse Maëva, qui met toutes ses tripes dans la courte demi-heure accordée au groupe. Lignes de basse groovy de l'élégant bassiste Ari Moitier, puissant martèlement de batterie d'Anthony Avril, riffs de guitare d'Hugo tantôt sombres et lourds, tantôt sensuels, Bandit Bandit nous font profiter d'un bon aperçu de leur musique avec deux morceaux de leurs deux EPs (Tachychardie paru en 2021 et Maux en 2019) et quatre de leur premier album. Nous nous réjouissons donc d'un rock efficace, puissant et principalement chanté en français, avec des paroles recherchées, poétiques et engagées, féministes, chantées avec la belle voix grave de la chanteuse.
A la moitié de la performance, cette dernière fait un discours sur la situation politique actuelle et invite avec toute sa générosité les personnes à la tête du RN à aller faire un tour en enfer, avant de se jeter dans la foule. Le groupe achèvera sa prestation avec le magistral et progressif Nyctalope, paru en 2019. Un show convaincant qui donne envie d'en voir davantage lors d'un concert plus long de Bandit Bandit, car leurs prestations scéniques en valent largement la peine. Et une excellente introduction à ce qui va suivre...


Du devant de la scène, votre reporter fuit maintenant à l'arrière de la fosse, sur les petites marches se trouvant avant les gradins du grand théâtre romain de Fourvière, dans l'optique de – pour une fois – voir ce qui se passe sur scène, et profiter un peu plus de la musique d'IDLES en concert, évitant de lutter pour sa vie au milieu du pogo. Comme beaucoup, je m'attendais à l'éternel et très lourd Colossus qui démarrerait le concert des cinq anglais, mais c'est cette fois-ci c'est un titre de leur dernier disque TANGK, paru cette année, qui débute le show. Le calme et subtil IDEA 01, et sa cascade de piano, morceau tout en tension et planant, tel un calme avant la tempête.
Car la batterie et le riff de guitare de Colossus retentissent alors, soulignés par les poings qui se tendent, suivant sa rythmique simple et entêtante. Ça chante les « It goes and it goes and it goes », ça s'agite déjà, les muscles se tendent dans la fosse durant la montée en tension du morceau, sa pause qui ressemble à une fin de morceau mais qui n'est qu'une feinte avant l'explosion punk finale, qui envoie le public dans une joyeuse hystérie nécessaire et quasi vitale. Maintenant que ce même public est chaud, plus rien ne peut l'arrêter, tout comme Joe Talbot et ses cinq compères, déjà déchaînés sur la scène. Alors tout le monde danse et chante sur Gift Horse et sur Mr. Motivator, le seul titre d'Ultra Mono joué ce soir.

Les slams ont déjà débuté et s'intensifient sur Mother, une partie du public déclamant avec M. Talbot les « The best way to scare a Tory is to read and get rich ». Amusant lorsque l'on sait que deux jours plus tôt ce parti a tiré sa révérence au profit du Labour Party suite aux votes aux élections législatives. Ce que ne manque pas d'exprimer Joe, lors de ce concert servant à la fois d'exutoire et de tribune politique. Après tout, IDLES est sur scène, et son public, dans un amphithéâtre.
Place ensuite à quelques morceaux de CRAWLER, paru en 2021 et bien mis à l'honneur ce soir : les fantastiques et sombres Car Crash, The Wheel et When The Lights Come On plongent le public dans une transe : certains dansent, d'autres pogotent, beaucoup nagent sur le public. Ce dernier est en tous cas dans une bulle que rien ne peut atteindre : l'effet thérapeutique du concert d'IDLES a frappé. Et pourtant, même Benzocaine ne parviendra pas à anesthésier le public, bien au contraire.


Peu après ce morceau tiré de leur premier album Brutalism (2017), Joe Talbot profite de sa tribune pour présenter un autre ancien morceau issu de leur premier disque, expliquant que celui-ci fut écrit lors de temps troubles en politique au Royaume-Uni. Il lance alors un « Nique Le Pen ! » repris en chœur par le public, et Divide & Conquer devient un medley. La communion entre IDLES et son public est totale, le slogan repris avec joie, poings levés. Personne ne peut rater le guitariste Mark Bowen, vêtu d'une robe courte et ample violet pétant, lorsqu'il fend la foule pour monter dans les gradins, d'où il termine le morceau, avant de remonter sur scène.

POP POP POP, extrait du dernier disque, fait légèrement redescendre la pression. Le groupe désormais armé d'une solide discographie de cinq albums, avec des morceaux (un peu) plus calmes provenant de TANGK, la prestation devient plus équilibrée et complète que jamais, IDLES étant au sommet de leur art. Nous avons donc désormais droit à quelques moments pour reprendre notre souffle...
C'est le cas également avec la ballade The Beachland Ballroom. Mais ne vous-y trompez, ces morceaux viennent avant le final énervé de Joy As An Act Of Resistence (2018), redoutable : Never Fight A Man With A Perm, puis Dancer, sorte de petite pause avant Danny Nedelko et le bouillonnant Rottweiler, pour fermer la marche et terminer le spectacle. Un Danny Nedelko plus lourd de sens que jamais, dédié par Joe Talbot aux immigrés aidant à construire le pays, au peuple palestinien, et au peuple de Lyon.

Si les concerts de cette tournée d'IDLES en France devaient être plus jouissifs que jamais au vu du contexte, sur lequel Joe Talbot communique et se lie avec le public, ces performances d'entre-deux-tours de Bandit Bandit et IDLES au grand théâtre romain de Fourvière auront été la catharsis rêvée pour le public lyonnais. La tension libérée au milieu de semaines d'inquiétude aura donné un goût d'autant plus spécial à cette soirée, et, avec le recul des résultats désormais connus, une note d'espoir pour l'avenir, et pour le milieu de la musique en France.

Crédit photos : Quentin Lafont – Les Nuits de Fourvière
setlist
    IDEA 01
    Colossus
    Gift Horse
    Mr Motivator
    Mother
    Car Crash
    The Wheel
    Jungle
    When The Lights Come On
    Benzocaine
    Gratitude
    Divide & Conquer
    POP POP POP
    Samaritans
    Crawl!
    The Beachland Ballroom
    Never Fight A Man With A Perm
    Dancer
    Danny Nedelko
    Rottweiler
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