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Glass Animals
The Big Moon

Paris, Zénith - 15 octobre 2024

Live-report par Adonis Didier

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La plus grosse soirée pop du mois à Paris ? Ni Hatsune Miku ni les Jonas Brothers (je sais, c'est dur à croire), mais bien le retour à Paris des enfants prodiges du genre, qu'il soit pop rock, pop électro, pop Rn'B, ou juste pop tout court : Glass Animals. Les animaux de verre, ce soir accompagnés au Zénith de la Villette par la grosse lune, ni la vôtre, ni la mienne, mais celle de The Big Moon et une pop-rock qui chatoie autant qu'elle danse.

Le genre de musique délicate et nuancée à ne pas écouter dans un hangar noyant chaque arrangement dans un amas de basses et de réverbérations de grosses caisses, mais bon ce n'est pas comme si on avait le choix dans la salle, alors on fait avec et on profite des moments les plus lourds, rock, et dynamiques du quatuor féminin, tout en évitant de trop repenser aux albums chaque fois qu'un moment calme pointe le bout de son nez. La fin pleine de disto de Don't Think, une reprise du Praise You de Fatboy Slim, la grosse basse de Trouble, un certain nombre de moments qui permettront à une fosse déjà très bien remplie de s'amuser et de gigoter avec The Big Moon, une première partie sympathique mais sans plus rendant une copie très générique-RTL2, sans doute écrasée par un son inadapté et une scène à la fois trop grande et trop petite déjà accaparée par le décor de Glass Animals.


Et quel décor ! Un gigantesque intérieur de vaisseau spatial rétro emprunté tant aux films de SF des années 50 (La Guerre des Mondes, Le Jour où la Terre s'arrêta) qu'à Star Trek, Doctor Who, ou encore un certain film titré d'une année qui n'était pas celle de sa sortie. Coïncidence ? Je ne crois pas, c'est par le même poème symphonique que démarrent 2001 L'Odyssée de l'Espace et ce Tour Of Earth de Glass Animals, un certain Ainsi Parlait Zarathoustra par Richard Strauss, par-dessus lequel discutent deux galaxies sur écran géant pour faire monter une sauce qui zoomera depuis le vide spatial jusqu'à un certain hangar collé au canal de l'Ourcq. L'ordinateur de bord sphérique trônant au milieu du vaisseau affiche en toutes majuscules PARIS, les lumières tombent, Dave Bayley et le reste de la team Glass Animals rentrent en scène, les écrans se rallument dans le vaisseau, et Life Itself explose dans l'air pour signifier l'allumage des moteurs.

Une propulsion assurée par un mélange bien riche dégageant un souffle de basses à faire trembler toute la carcasse du Zénith, la surface s'éloigne déjà, et les couches de l'atmosphère se teintent du violet-turquoise caractéristique du troisième album Dreamland quand croise la comète Your Love (Déjà Vu). Constat simple et basique, on vit désormais dans un casque Beats avec les graves à fond, une horreur pour certains, un bonheur pour le Glass Animals version 2024. Néons verts et Dave qui tourne sur lui-même pour Wonderful Nothing, introduction du soir au dernier album I Love You So F***ing Much, et un drop de basse équivalent à un demi-litre de sirop d'érable sur des pancakes au chocolat : le genre de truc probablement interdit par la convention de Genève, mais qu'est-ce que c'est bon sur le moment !
Tellement bon que Dave tombe la veste pour finir en marcel, et clairement si j'avais passé autant de temps à la salle de sport que lui cet été j'aurais fait pareil. Il est loin le petit binoclard gringalet aux airs de premier de la classe, une évolution semble-t-il calée sur le son de son groupe, retour au Rn'B bodybuildé sur Space Ghost Coast To Coast, le showman du soir enchaîne les pas de danse, le public fait des cœurs avec les mains, hurle quand Dave coupe le son et remet le son comme Philippe Katerine (malheureusement pas tout bleu et tout nu), et lancera de lui-même les claps introductifs à A Tear In Space (Airlock).


Une foule qui, même si les gradins ne sont qu'à moitié remplis, poussera sur toutes les chansons, entonnera dans les premiers rangs les paroles des plus récentes comme si elles étaient sorties il y a dix ans, et hurlera à s'en cramer la voix sur les plus connues. Des plus connues au rang desquelles trône allégrement The Other Side Of Paradise, ma voisine manque de tomber dans les pommes dès les premières notes, la montée finale renverse le hangar pour s'en faire une piscine, Dave ne prend même plus la peine de tout chanter pour Creatures In Heaven et Youth, et tend le microphone la moitié des refrains jusqu'à arriver au premier climax émotionnel d'un concert pourtant riche : Lost In The Ocean.
Notre pote Dave monte sur le toit du vaisseau, fait signe à une foule de lumières s'allumant une à une face à lui, « j'ai l'impression d'être dans l'espace » dit-il presque timidement, visiblement touché, et jouera seul en guitare-voix jusqu'à la fin du premier refrain, soutenu par quelques milliers de fans connaissant déjà tout ou partie des paroles par cœur. Toujours plus loin, toujours plus haut, le deuxième refrain fera s'élever la plateforme de Dave un peu plus près des étoiles, le temps d'un solo au jardin de lumière et d'argent, replaçant l'instant dans une forme d'émotion et de dépouillement que le groupe avait parfois perdu au milieu des avalanches de basses. Une complicité entre Dave et son public qui se poursuit jusque dans les gradins, lui qui lancera des premiers rangs la seule chanson jouée ce soir du tout premier mais déjà excellent album ZABA : Gooey. A peine le temps de reconnaître une fan à qui il lancera « mais t'es encore là toi !? » que le voilà déjà remonté sur la scène, tournoyant avec sa guitare dans le bombardement généralisé de How I Learned To Love The Bomb.

Deuxième référence du soir à un film de Stanley Kubrick, le genre de référence dont on reprendrait bien une tranche, et ça tombe bien car Take A Slice éclabousse déjà l'écran du grésillement de ses guitares, des frappes de Spartacus de Joe Seaward contre ses toms, et d'un Dave Bayley tapant son meilleur solo sous son tout nouveau chapeau de cowboy offert par un fan. Retour à l'envoyeur et tradition oblige, Dave offre un ananas cérémoniel à la foule pendant qu'Edmund Irwin-Singer lance les claps introductifs de Pork Soda, et fait relativement rare pour être notifié, les gens avaient cette fois-ci le sens du rythme. Une dernière chanson et plein d'ananas dans la tête, le moment idoine pour présenter un groupe qui aura parfaitement soutenu son showman ce soir : Drew MacFarlane à la guitare et aux claviers, Edmund Irwin-Singer à la basse et aux claviers, et Joe Seaward à la batterie.


Et voilà, c'est bon, c'est fini. Attends t'es sûr ? Ils ont même pas joué Heat Waves ! Si si, je te jure, j'ai vu la setlist sur Reddit. Mais, et Tokyo Drifting !? Une discussion entre galaxies sur un écran constellé d'étoiles, un public qui tape des pieds, des mains, et des cordes vocales pour réclamer le retour des quatre cavaliers de la pop-alypse, et Tokyo Drifting qui fume les pneus en japonais jusqu'à atterrir dans le jardin de Denzel Curry en Floride. Petit enlèvement, le rappeur US tapera son couplet enregistré depuis l'ordinateur de bord d'un vaisseau transformé en boîte de nuit, et déjà les vagues de chaleur nous disent qu'il est temps de retourner sur Terre. Petit moment Coldplay pour boucler l'affaire, Heat Waves est un karaoké géant à la vibe particulièrement kitsch, mais ce n'est pas ce qui nous empêchera de chanter et de profiter jusqu'à la dernière seconde de ce nouveau passage toujours aussi spectaculaire et réussi de Glass Animals à Paris.

Un show tout en décors, en visuels, en allusions complices, en grosses basses qui tachent, et en pas de danse improvisés par la pile électrique la plus groovy et touchante du sud de l'Angleterre, qui aura su écrire une bonne fois pour toutes que si Glass Animals ont pour eux une discographie dont le plancher est le plafond de bien d'autres, ils n'en restent pas moins capable de la sublimer encore et toujours à chaque tournée, tant et si bien qu'après une heure et demie de show et un message Thank You So F***ing Much s'affichant face à nous, il ne nous vient qu'une seule pensée : c'est quand la suite ?
setlist
    THE BIG MOON
    It's Easy Then
    Don't Think
    Take A Piece
    Wide Eyes
    Daydreaming
    2 Lines
    Praise You (Fatboy Slim cover)
    Trouble
    Your Light

    GLASS ANIMALS
    Life Itself
    Your Love (Déjà Vu)
    Wonderful Nothing
    Space Ghost Coast To Coast
    A Tear In Space (Airlock)
    The Other Side Of Paradise
    Creatures in Heaven
    Youth
    Lost In The Ocean
    Gooey
    How I Learned To Love The Bomb
    Show Pony
    Take A Slice
    Pork Soda
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    Tokyo Drifting
    Heat Waves
photos du concert
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