Archive s'installaient la semaine passée au Zénith de Paris pour deux soirées dédiées à leurs classiques. A la sortie de
You all Look The Same To Me, puis de
Noise, ils avaient pris un virage qui en avait décontenancé plus d'un, dont notre rédacteur de l'époque. Mais ils ouvraient une nouvelle voie pour leur musique qui devenait plus puissante avec des constructions pouvant s'étendre sur dix minutes sans s'essouffler. Ce soir c'est au tour des quatre volets de
Controlling Crowds (
I-III sorti en avril 2009 et
IV publié six mois plus tard) d'être joués pour un public conquis d'avance.
Black Doldrums ont la lourde tâche de "chauffer" la salle. Terme entre guillemets car il fait diablement froid ce soir, et leur musique projette une vague de cold wave. Comme à la mer, celle-ci revient régulièrement : il y a eu Joy Division au tournant des années 80, Interpol ou Editors autour des années 2000, et voici le tour du trio londonien et d'une énième troupe de jeunes gens tristes de partager leur spleen électrique, et ce n'est pas pour me déplaire. La voix du chanteur est nasillarde comme l'était celle de Ian Curtis, et avec juste une guitare, une basse et une batterie, la musique est minimaliste à l'image du premier disque de New Order. Le set est serré, le trio donne tout, remercie le public et s'en va. C'est simple, bien fait, et bien vu pour une première partie.

L'interlude est court, et quand les lumières s'éteignent le public est déjà à fond. Après quelques notes de synthés, le groupe arrive, un à un les musiciens prennent place, d'allure martiale, tous habillés en noir avec un écusson
Archive sur l'épaule. Le public a dévalisé le stand de merchandising, et beaucoup sont aussi tout de noir vêtus avec un logo du groupe ici ou la. Dès les premières mesures on sait que cela va être un set incroyable : le son est parfait et les musiciens maîtrisent leur sujet, mais c'est avec les voix que l'on prend vraiment une claque. Comme sur disque, ce sont quatre chanteurs et chanteuses qui vont se relayer, même si seuls Dave Pen et Pollard Berrier font partie de l'équipe initiale. Les deux piliers du groupe sont chacun d'un côté de la scène, derrière leurs claviers : Darius Keeler sur la gauche, marquant la mesure comme un chef d'orchestre, et Danny Griffiths sur la droite, plus réservé.
Kings Of Speed, en troisième titre, confirme que, comme la veille, le groupe a le bon goût de ne pas jouer ses morceaux dans l'ordre des albums, permettant ainsi de mieux gérer les montées et les moments plus calmes. C'est aussi à cet instant que Pollard Berrier et Dave Pen échangent leurs rôles, ce dernier lâchant sa guitare pour se concentrer sur le chant alors que Pollard et son grand chapeau joue de la guitare et fait les chœurs.
Après un début de set intense et un son énorme, l'intro de
Blood In Numbers est plus calme avec juste une voix, une caisse claire et une très grosse basse. Les lumières blanches stroboscopiques accompagnent la montée du morceau jusqu'à l'entrée des accords de guitare saturée. Darrius Keeler est en transe derrière son clavier, tel un pantin désarticulé qui essaie de marcher jusqu'à la fin brutale du morceau. Jimmy Collins les rejoint sur scène, microphone au poing, pour rapper sur
Quiet Time. Ce chant rapide et rageux se marie parfaitement avec les arpèges guitares et la voix douce de Pollard Berrier aux chœurs. Lisa Mottram arrive enfin sur
Bastardised Ink pour assurer la partie féminine des chants. Encore une fois le contraste est phénoménal.
Le tempo descend d'un ou deux crans avec juste quelques notes de synthé et la voix de Lisa Mottram. La puissance, elle, reste au maximum. La tension remonte doucement jusqu'à
Whore, terriblement intense avec ses trois voix. A ce niveau, on pourrait être au final du set, mais le groupe en a encore sous le coude jusqu'à
Funeral qui semble être un bon moment pour faire une pause.

Le groupe revient très vite pour
Pills, servi par une rythmique électronique glaciale, parfaite avec la voix de Lisa Mottram. La fin du morceau est éblouissante (littéralement avec la cinquantaine de projecteurs en fond de scène), cela pourrait être le début d'un nouveau set. Bien qu'il dispose de quatre voix, le groupe n'est pas très bavard sur scène. On ne va pas s'en plaindre, toute la communication passe dans les morceaux, mais alors que le concert touche à sa fin, il était temps pour eux de dire qu'ils adorent Paris, et manifestement la ville leur rend bien. Le concert se termine par un
Dangervisit magistral avec son mantra en boucle : "feel, trust, obey". Impossible de jouer quelque chose après cela, même si je regrette l'autre final marquant de la veille sur
Fuck U.
Après cette tournée dédiée à leurs principaux albums, Archive retourneront en studio prochainement, espérons qu'ils resteront gonflés à bloc pour signer peut-être un nouveau classique.