Les soirs d'hiver, il est toujours très appréciable de se rendre à l'Olympia de Paris. Non pas parce que la salle chauffe mieux que d'autres ses locaux, mais pour pouvoir prendre en photo les lettres en néon écarlates de sa devanture à la nuit tombée. Ce soir, cependant, nombre de fans n'ont pas attendu que le soleil se couche pour se présenter devant la salle, la grande majorité des présents ayant préalablement traversé la Manche pour pouvoir se poster au plus tôt le long du trottoir, visant ainsi la barrière du premier rang.
C'est d'ailleurs l'élément qui nous marque à chaque prestation de Sam Fender en France. L'artiste draine dans son sillage un nombre important de compatriotes, et cela s'entend parfaitement du fait que ce sont des salles beaucoup plus conséquentes qui l'accueillent sur ses terres. Un peu à l'image de Snow Patrol, Sam Fender demeure, malgré un talent incontestable, un musicien au succès beaucoup plus discret dans notre contrée. Et tout comme Snow Patrol il y a de cela un petit mois, il y débute sa tournée pour son nouvel album
People Watching, sorti il y a à peine quinze jours. C'est ici l'opportunité de « rôder » le set, et cette première soirée s'est révélée être un départ sur les chapeaux de roues.

Ce soir, c'est également l'occasion de croiser à nouveau
CMAT, soit Ciara Mary-Alice Thompson, vue dernièrement au Trabendo et qui, une fois de plus, aura fait très forte impression avec son répertoire rock country plus que festif. CMAT est une personnalité rayonnante, une jeune femme qui instantanément vous injecte une dose de bonne humeur. Nous la retrouvons en invitée d'honneur et, de ce fait, en solo acoustique. Nous évoquerons donc plutôt Ciara, face à une salle de 2000 personnes entièrement dévouée au musicien, de quoi intimider fortement une première partie. A ce propos, l'irlandaise nous avouera avoir eu des cauchemars ces dernières semaines à l'idée de se présenter ainsi dans la capitale, mais l'accueil très enthousiaste du public lui fera vite oublier ses craintes.
CMAT nous explique qu'elle va nous interpréter quelques titres de son dernier album
Crazymad, For Me, qu'elle fera de son mieux pour nous divertir sachant que tout le monde ne vient que pour Sam Fender. Au même titre que lors de son concert au Trabendo, l'Irlandaise nous rappelle que « son français est très mauvais mais que son derrière est super », nous évoque ses souvenirs lorsqu'elle dormait dans des vans décatis en écoutant à fond les ballons
Seventeen Going Under, et promet de na pas parler français car ses précédentes tentatives se sont toujours soldées par des petits échecs, un peu gênants. Mais cela ne pose aucun problème car, même seule sur scène, Ciara déploie immédiatement tout son charisme et abreuve la foule de ses plus grands sourires scintillants, ces derniers agrémentés de ses étonnants bijoux dentaires.
C'est durant trente minutes que Ciara nous interprète un florilège de ses morceaux, qui se retrouvent légèrement assagis et permettent ainsi de mieux s'attarder sur sa voix très chaude, mise en exergue par cet accompagnement tout en sobriété à la guitare folk. Mais CMAT étant CMAT, sa fougue ressurgit au gré des morceaux, quand leur interprétation monte en intensité comme sur
I Wana Be A Cowboy, Baby! et le dernier single
Aw, Shoot!. Le public répond présent, encourage chaudement la jeune musicienne, certains reprenant même quelques refrains et c'est donc sous un véritable tonnerre d'applaudissement que Ciara quitte la scène, heureuse et soulagée d'avoir remporté le challenge d'assurer à elle toute seule la première partie d'un artiste de taille comme celui qui est maintenant devenu son « bestie », Sam Fender.

L'entracte voit les rangs de la fosse se resserrer, les premières pancartes aux petits mots doux surgir, et la scène se garnir d'une grande estrade où se succèdent de nombreux instruments : claviers, batterie, saxophone et trompette ainsi qu'une armada de guitares soigneusement rangées et prêtes à l'action. En 2025, Sam Fender est devenu un grand nom de la pop rock anglaise. Son ascension fulgurante depuis la sortie de son premier album et la reconnaissance par ses pairs l'ont très rapidement hissé en haut des charts. Issu d'un milieu très modeste, cette starisation instantanée ne s'est pas faite sans mal, et le surmenage a vite imposé des pauses salutaires à Sam pour repartir de plus belle.
People Watching, son troisième disque, est venue définitivement entériner son statut de grosse pointure parmi la scène rock anglaise d'une part, et surtout, affirmer son songwriting intelligent alliant sentiment personnel et constats amers sur notre société d'autre part. Sam Fender, au-delà de son aspect « chanteur issu du peuple », représente cette jeune génération noyée sous les influences qui doit véritablement marquer le coup pour imposer sa propre marque.
Ce soir, Sam Fender sort l'artillerie lourde : pas moins de sept musiciens l'accompagnent sur scène, sous un ligtshow digne d'un stade avec de nombreux spotlights vifs braqués sur le héro de la soirée, des néons venant s'illuminer au gré des titres, et un écran géant projetant soit le visage du musicien, soit des visuels liés aux morceaux. Et pourtant, Sam Fender demeure sur scène un musicien sage, ne s'éloignant que peu de son pied de microphone. Le chant puissant et juste de ce dernier ne nécessitant pas d'en faire des tonnes, le charisme de Sam irradie de façon naturelle. Le jeu des guitares, la batterie surpuissante et les nombreux solos de saxophone ou de trompettes apportent une réelle richesse aux morceaux, nous évoquant indéniablement le style d'un certain Bruce Springsteen, Boss à ses heures perdues. Les nouveaux morceaux, dont certains nous ont paru surproduits sur disque, reprennent un aspect plus instinctif joués sur scène, faisant place à une interprétation plus authentique. Une grande complicité lie les musiciens, Sam Fender prenant le temps entre deux titres pour papoter avec le public, se faire offrir un sausage roll de chez Greggs qui semble bien avoir supporté le voyage, et surtout plaisanter avec ses camarades de jeu. C'est donc à une vraie bande de copains que nous faisons face, dans une salle prestigieuse qui pourtant n'intimidera jamais Sam.

La setlist met à l'honneur son nouvel album et c'est un ravissement d'entendre pour la première fois
People Watching,
Crumbling Empire et le magnifique
TV Dinner, qui offre durant le concert un moment d'accalmie d'une grande beauté. Beaucoup d'émotions transparaissent dans le regard et la voix de Sam Fender, et cela est d'autant plus perceptible durant
Spit Of You, quand l'écran géant nous fait découvrir une mosaïque de polaroids avec différents portraits du musicien, sa famille, son entourage, centrés autour de celui où on le voit bébé dans les bras, semble-t-il, de son père. L'anglais n'ayant jamais caché venir d'un foyer difficile, ces portraits dévoilés rendent le moment encore plus émouvant.
Le concert se termine avec les tubes
Seventeen Going Under et
Hypersonic Missiles, autre petite fusée qui a littéralement propulsé Sam Fender dans les hautes sphères du rock anglais. Une heure et trente minutes qui ont vu la fosse, la mezzanine et les balcons debout et à l'unisson, confirmant la forte présence scénique de Sam, grand professionnel qui sait habilement mener tambour battant un set, qu'il soit face à un « modeste » public de 2000 personnes ou dans un stade. Cette soirée fut donc un moment privilégié où nous avons pu profiter de ce très grand artiste presque « entre nous », en toute intimité.