logo SOV

The Luka State

Paris, Point Éphémère - 11 mars 2025

Live-report par Adonis Didier

Bookmark and Share
Il en faut du courage pour se fader les salles les plus roots de Paris, en pleine semaine, sous des lumières douteuses et un son aux fraises, mais quand en plus de ça c'est la cinquième fois qu'on y revient, ce n'est probablement plus du courage mais le début d'un sévère syndrome de Stockholm. Une relation un peu toxique entre The Luka State et Paris qui ne s'arrangera pas forcément ce soir, car après être passé au 1999, aux Etoiles deux fois, et au Supersonic, les Anglais de Winsford dans le Cheshire (comme le chat) reviennent dans la capitale au Point Ephémère, qui plus est un bon mardi soir pluvieux du mois de mars. Le genre de soirée où tout le monde préfère rester chez soi devant Derrick.


Spoiler alert : les gens étaient plus devant Derrick que dans ce Point Ephémère à moitié rempli pour voir ceux qui sortent de cinq dates françaises en première partie de Last Train. The Luka State et Last Train, deux groupes qui fonctionnent plutôt bien dans leurs pays respectifs mais peinent encore à en sortir, deux groupes qui font respectivement leurs premières parties entre UK et France pour se donner un petit coup de pouce et de visibilité, et si on s'est déjà prévu le second dans on ne sait quel pittoresque bar de Brighton pour le Great Escape en mai, le premier est ce soir à Paris et ça commence par Give Me A Reason.
Première chanson tirée du nouvel EP The Luka State, un EP devant acter un léger changement de direction dans le son du groupe, et difficile d'en dire quoi que ce soit tant le son est encore en réglage. Deux guitares sur scène pour zéro dans les enceintes, les calculs ne sont pas bons Kévin, et le seul truc qu'on remarquera pour l'instant c'est que le groupe a changé de bassiste depuis l'année dernière. Le tube [Insert Girls Name Here] aura droit au même traitement de la part de Kévin l'ingénieur du son sans sonotone, et il faudra attendre la fin de la méchante et punk Bring Us Down pour qu'il se passe un peu quelque chose. Un petit speech pour dire que Paris est leur ville préférée, gentil et limite faux-cul vu le niveau des salles visitées, le temps pour une dame de demander en hurlant s'ils comptent venir jouer à Aix-en-Provence... Blanc gênant, réponse évidente, alors vite une transition avec True Confidence (Is Living).

Pour cette deuxième chanson du nouvel EP, on va dire qu'on est plus convaincu par le bon gros refrain que par les couplets électro-rock, Conrad prend la confiance et fait sauter la foule, le public se met doucement dans l'ambiance, et nous voici comme qui dirait au début de quelque chose. Enchaînement « à l'ancienne » d'un premier album qui fête déjà ses quatre ans, What's My Problem et Room's On Fire font sortir les claps et les téléphones, comme en politique les gens sont plus motivés à gauche qu'à droite, et le petit speech introduisant Tightrope (Walking On A Wire) nous rappelle qu'il est aussi important d'aller chez le psy que de faire soigner une jambe cassée. Un esprit sain dans un corps sain, et deux-trois poussettes dans un public qui commençait seulement à se chauffer que le groupe nous sort déjà Movies. Pause fatigue et pause pipi, Conrad avance de deux chansons la petite ballade par rapport à la setlist et demande les lampes des téléphones pour un moment d'émotion à moitié partagé : le devant du public se laisse prendre, le fond se regarde en chien de faïence ou discute, et tout le monde est un peu soulagé quand le dernier accord de guitare tombe pour dévoiler Swimming Backwards.


Retour à la pop-rock de stade, Conrad nous apprend à chanter le refrain et les fans s'y essayeront de bon gré, avant que Conspiracy ne poursuive la promotion du dernier EP du groupe dans un mélange bizarre de boîte à rythmes et de groupe live malgré une vraie bonne chanson, et que Liar ne remette enfin l'église au centre du village punk de ces Luka State que l'on avait laissés il y a un an en plein excès de colère contre une société britannique merdique au dernier degré, dans une mouvance punk contestataire dont on avait adoré les résultats autant en studio qu'en live. Mais comme le groupe est plein de contradictions, revoici la pop de stade et Feel It, nouvel exercice de karaoké pour foule sympathique et volontaire clôturant le temps réglementaire du concert, avant que le rappel ne vienne réellement allumer ce feu qui se refusait à prendre depuis une bonne heure.
Oxygen Thief déboule pieds et poings liés dans la gueule, Conrad descend galvaniser ses ouailles, et la bave aux lèvres les pieds décollent et les premiers coups commencent à partir dans la fosse. Un accès de folie confirmé par l'incroyable Bury Me, la chanson que tout le monde attendait pour partir en couille, juste dommage que ce soit la dernière.

Ainsi, on ressort de ce nouveau concert de The Luka State dans une impression finale qui, tout aussi excitante soit-elle, ne parvient pas à cacher que le groupe peine aujourd'hui à remplir un Point Ephémère autant qu'il peine à savoir musicalement où il veut aller. Alors peut-être les Luka State ne seront-ils jamais empereurs que dans leur royaume, comme tant d'autres groupes anglais avant eux, et pourtant il nous reste encore quelque part un espoir. L'espoir un peu fou que les quatre boys de Winsford se pointent à Paris un vendredi ou un samedi soir, dans une salle correcte, avec un ingénieur du son auquel il reste au moins un tympan, et nous prouvent que l'on n'a plus qu'à manger notre chapeau, nos doutes, et nos articles mal dégrossis sur papier LCD. Un festin pour eux comme pour nous, et si vous avez toujours un creux, allez quand même jeter un coup d'œil à ce fameux nouvel EP sorti il y a un mois, parce que quoi que fassent les Luka State, ils n'ont encore jamais vraiment réussi à le faire mal.
setlist
    Give Me A Reason
    [Insert Girls Name Here]
    Bring Us Down
    True Confidence (Is Living)
    What's My Problem
    Room's On Fire
    Tightrope (Walking On A Wire)
    Movies
    Swimming Backwards
    More Than This
    Conspiracy
    Liar
    Feel It
    ---
    Oxygen Thief
    Bury Me
photos du concert
    Du même artiste