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Squid
Martha Skye Murphy

Paris, Cabaret Sauvage - 9 avril 2025

Live-report par Laetitia Mavrel

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Suite à la sortie du troisième album de nos chouchous Squid en février dernier, et après avoir échangé avec Louis et Ollie lors d'une interview où ces dernier nous confiaient que Cowards était à ce jour leur disque le plus réussi, nous avions hâte d'enfin retrouver le groupe sur scène. Quelques mois plus tard, nous voici tous réunis au Cabaret Sauvage dans le parc de la Villette à Paris, pour cette unique date française. L'engouement autour de cette formation inclassable ne diminue pas, preuve en est l'intérêt que porte aux cinq anglais la presse musicale plus conventionnelle, des Inrocks à Telerama. Chez Sound Of Violence, nous nous félicitons d'apprécier Squid depuis leur tous débuts en 2019, à l'époque de Town Centre, premier EP qui nous avait émerveillés par son incroyable richesse et son profil « hors normes ». Trois albums et une belle petite série de concerts plus tard, notre romance avec Squid est toujours au beau fixe, et cette nouvelle performance d'Ollie, Louis, Anton, Arthur et Laurie a encore une fois été à la hauteur de nos espérances ce soir.

Désolés de ne pouvoir proposer plus que Paris lors de cette petite tournée européenne pour cause d'inflation des coûts, Squid ont donc mis les bouchées double pour rendre ce concert inoubliable. Le public a répondu à l'appel, beaucoup de fans fidèles reviennent ainsi en masse et nous assistons à l'apparition d'une nouvelle frange dans le public, probablement attirée par les échos que la presse citée précédemment a permis de porter. On retrouve ainsi dans les premiers rangs autant de jeunes personnes aux tee-shirts à l'effigie du groupe que d'autres un brin moins jeune, au look plus formel. Et pourtant, ce sera l'harmonie parfaite parmi cette audience, tout le monde s'agitant à l'unisson lorsque le groupe se lancera dans ses nombreuses longues improvisations sonores.


En guise d'entrée, c'est enfin l'occasion de rencontrer celle qui a marqué de son empreinte si orgasmique le fameux titre Narrator sur Bright Green Field, Martha Skye Murphy. Malgré un premier album sorti l'an passé, Um, l'artiste reste quasi inconnue en France. Ainsi, nous découvrons ce soir le monde très théâtral de Martha, cette dernière jouant une petite demi-heure seule au clavier, dans la quasi-pénombre, des morceaux très déstructurés, où le chant est tantôt susurré, tantôt hurlé, tantôt carrément inventé, nous servant sur un des titres, sur fond de bande pré-enregistrée bruitiste, un mélange de « yaourt » et de borborygmes légèrement déconcertant.
Martha Skye Murphy n'en demeure pas moins fascinante à observer. Engoncée dans un tailleur chromé qui laisse apparaitre quelques bouts de son postérieur lorsque subrepticement elle nous tourne le dos, cheveux noir corbeau, teint d'ivoire et maquillage sombre, c'est un look mi baroque, mi gothique qu'elle affiche. Les titres sont issus de son premier album, quelques nouveautés nous sont dévoilées, et il est cependant difficile d'accrocher à cette interprétation extrêmement dépouillée. On ne sait trop si nous assistons à un concert ou une performance artistique d'actrice, mais ce qui nous convainc est cette incroyable voix, quand elle n'est pas transformée au travers d'un vocoder. L'apparence très stylée de la jeune anglaise ne peut que nous remémorer Róisín Murphy ou, de façon un peu plus modeste, Lady Gaga. C‘est donc une première partie atypique qui réussit à attirer l'attention des plus curieux.


Voici enfin l'heure de retrouver Squid : les cinq garçons sont égaux à eux-mêmes, très discrets et peu loquaces, entourés d'une armada d'instruments, avec trônant fièrement au centre de la scène la batterie d'Ollie. Pas de préliminaires, le show débute sur Crispy Skin, single le plus accessible de Cowards, et les morceaux se retrouvent les uns après les autres étirés et embellis grâce aux nombreux effets rendus par les synthétiseurs, amplifiant les sons avec les nombreuses reverbs et distorsions offertes aux guitares. On retrouve les percussions (ce soir sur un portique qui semble réunir des boites en aluminium, une jante de voiture et une roue de vélo, probablement des accessoires très sophistiqués ou de la récupération, pardonnez notre méconnaissance dans ce domaine) venant sublimer la cadence militaire à la batterie d'Ollie, qui mène définitivement le jeu.

Passant des morceaux les plus cotés des albums tels G.S.K, Swing (In A Dream) ou Undergrowth à d'autres plus obscurs sur disque mais qui prennent une tout autre carrure en live comme Showtime! et Cro-Magnon Man, le concert plonge littéralement les spectateurs dans un état de quasi-transe, tant tout est poussé à son extrême, noyé dans un showlight vif, flashant, pour enfermer un peu plus tout ce petit monde dans une bulle, en dehors du temps et de repères que l'on retrouve classiquement dans un concert de rock. D'ailleurs, peut-on qualifier Squid de rock ? Certes la batterie domine sur tous les morceaux, Ollie menant de plus le chant, et les guitares se font toujours très tendues. Mais, et c'est là tout l'intérêt d'un groupe comme Squid, l'inventivité, l'érudition et le besoin d'explorer au maximum toutes leurs capacités donnent un résultat unique, puissant, un brin expérimental et incroyablement captivant. On adore la voix toujours déraillante d'Ollie, entre cris et chuchotement et ses irruptions offrent un contraste très intéressant avec la relative discrétion des autres membres, qui cependant sont à leur tour au four et au moulin, passant de guitares aux claviers, de trompettes à violoncelle ou percussions toujours pas réellement identifiées...


L'apothéose se fait lors du rappel où, du fait de la présence annoncée de Martha Skye Murphy, nous nous faisons tous une joie d'enfin entendre Narrator avec les hurlements fougueux de cette dernière. Cela sera donc la seule déception de la soirée, l'anglaise ne venant pas rejoindre ses camarades sur scène à ce moment précis, laissant donc, comme cela avait été le cas à l'Élysée Montmartre en 2023, le public se charger tant bien que mal d'assurer « les chœurs » de façon toujours aussi amusante. Hormis cette étonnante défection, nous retrouvons Ollie quittant sa batterie pour se poster devant le public et interpréter, lui aussi de façon très possédée, une version remaniée de Broadcaster, et le final se fera avec Well Met (Fingers Through the Fence) , dernier morceau qui nous permet d'atterrir délicatement comme après un voyage secoué par de nombreuses turbulences.

Ce nouveau rendez-vous avec Squid aura été une confirmation de l'incroyable talent du groupe qui se réinvente perpétuellement, repoussant toutes les limites du possible, et sachant derrière cette impression de joyeux chaos proposer des petites odes musicales d'une richesse et d'une inventivité folles. On espère vraiment que leur source ne se tarira jamais, et nous croisons dorénavant les doigts pour les retrouver rapidement en France, peut-être cet été au détour d'un festival.
setlist
    Martha Skye Murphy
    Non disponible

    Squid
    Crispy Skin
    Building 650
    Showtime!
    G.S.K.
    Swing (In A Dream)
    Cowards
    Cro-Magnon Man
    Undergrowth
    The Blades
    ---
    Broadcaster
    Narrator
    Well Met (Fingers Through The Fence)
photos du concert
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