Cet article n'est pas un article sur Fatboy Slim, ou Fat Freddy, ou Fatal Bazooka. Cet article est un article sur Fat Dog, et contrairement au précédent, il existe une possibilité que vous y compreniez quelque chose. Et plutôt qu'expliquer Fat Dog à la mère de Franck Narquin, on va vous l'expliquer à vous, oui vous, qui êtes tombé sur ce site on se demande bien comment et qui ne connaissez pas encore Fat Dog. Car le groupe est aussi présent depuis un an et demi qu'il est jeune, anglais, et par la conséquente profondément imprévisible et ingérable, envoyant des sets de cinquante minutes maximum tous les deux jours aux quatre coins du monde, et signant chez Domino Records sans même un single sorti sur la base d'une monstrueuses réputation live et d'un fidèle groupe de fans, le Kennel Club.
Le club du chenil, une bande d'excités fans de rave-punk mésopotamien et des cinq stupéfiants boys and girls qui composaient jusqu'alors l'effectif du Gros Chien. Jusqu'alors ? Mais tu veux dire que quelqu'un est parti depuis ? Parti non, arrivé oui, et au rythme où vont les choses, Fat Dog, dans dix ans, ce sera un orchestre symphonique et les chœurs de l'armée rouge combinés. From Joe Love tout seul en 2020 qui cherchait des potes à sept sur la scène du Trabendo en 2025, les choses vont toujours vite, très vite avec Fat Dog, et si la troupe est déjà passée quatre fois à Paris dans l'année et demie écoulée (soirée Avant-Garde du Pitchfork Music Festival au Supersonic, Les Inrocks Festival au CENTQUATRE, Fashion Week chez Céline, et Petit Bain), la salle est aujourd'hui encore plus grande et une chose ne change pas : c'est toujours complet deux mois avant.

Un groupe que tout le monde s'arrache, qui ne joue presque plus qu'à guichets fermés, et même si tout le monde chill sur la terrasse du Trabendo pour célébrer le retour des beaux jours, personne ne manquera l'arrivée tardive des divas du soir : il est 21h10 et le chien a encore grossi, Joe Love déclame de sa voix grave et lointaine pendant que Dieu prend des notes, les tables de la loi s'emplissent de lignes qui forment des mots qui forment des phrases dont le sens a depuis longtemps été oublié, et derrière lui son groupe s'active à bricoler la première bombe qui ouvrira la mer en deux. Le son monte et monte et monte, le détonateur est posé, et sous la pyramide ça fait tick, tick, tick, tick, tick, tick, tick... puis clic-clic et enfin boom !
Vigilante déchire la fosse,
Boomtown élargit la faille, Chris Hughes descend et déjà tout le monde danse la danse du crabe, claque des pinces avec les mains, ce qui ressemblait à une vanne il y a un an est devenu un geste de ralliement,
Angry Duck poursuit les nouvelles chansons avec cette fois-ci Joe dans la fosse et le début des choses sérieuses.
All The Same transforme le Trabendo en boîte de nuit surchauffée où tous les coups sont permis, le ter-ter devient dangereux et le public aussi incontrôlable que les gens qu'ils vénèrent, à tel point que les bières renversées sur scène pendant
King Of The Slugs obligeront à recommencer la chanson, à tel point que des photographes prendront des coups de genou d'excités qui passent leur temps à sauter depuis l'estrade torse nu. Bref, ça devient le bordel jusqu'à la limite, jusqu'à ce moment où imprévisible et décousu se confondent, et ça flirtera sur un fil au-dessus du vide sans parachute pendant toute la durée du concert, alors que
Clowns calme un peu les débats et enchaîne avec deux nouvelles chansons typiques du style Fat Dog.
Pray To That et surtout l'incroyable
Bad Dog remettent des pièces dans la machine et tirent sur le manche jusqu'à aligner les trois sept, sept comme le nombre de musiciens sur scène, avec l'ajout d'un violoniste et d'un percussionniste à la bande déjà connue mais que l'on va quand même représenter derrière Joe Love, son bouc, et son gilet camouflage : Chris Hughes au clavier, à la bonne ambiance, et au soutien guitare, Morgan Wallace au saxophone, Jacqui Wheeler à la basse, et Johnny « Doghead » Hutch à la batterie, qui joue désormais sans son traditionnel masque de chien. Un masque qui lui servait à calmer son trac derrière un relatif anonymat, une époque révolue pour lui comme pour son groupe, car la « gigantesque fraude » Fat Dog a prouvé tout ce qu'elle avait à prouver au cours de sa fulgurante ascension : mentalité kaizen, on continue toujours plus haut, parce qu'au-dessus c'est l'Everest et après c'est le soleil.

A condition de ne pas se disperser ou devenir une caricature de leur style, et tout va bien parce que
Peace Song est là, la preuve que les gonzes savent écrire des chansons, et les prémices d'une fin de concert faite de hurlements, de sauts, de coups de coude dans les gencives et de t-shirts trempés. Une fin de concert qui s'arrête à
Running après cinquante minutes de folie furieuse, les lumières se rallument, un public essoré s'apprête à rentrer chez lui alors que ce n'est pas la fin. Le groupe revient pour une petite reprise de
Satisfaction, celle de Benny Benassi, pas celle des Rolling Stones. Morgan Wallace envoie la max au saxophone, et le troupe se montre comme sur le reste du concert plus organique et moins électro que ce qu'on avait connu jusqu'alors. Les percussions en supplément apportent une touche tribale à de nombreuses chansons, quand la présence d'un violon rend toutes les lignes précédemment faites au synthé beaucoup plus vivantes, émouvantes, même si le groupe perd en contrepartie de cette puissance rave-techno qui faisait jusqu'alors une grande part de sa force live.
Et c'est évidemment sur ça que l'on se quitte,
Satisfaction sera la dernière de la soirée. Faut pas déconner, imaginez un concert de Fat Dog qui passerait les une heure ? Non mais allô ! Même si on a évidemment adoré, et qu'on est évidemment ressorti trempé de sueur pour bien se choper la crève, on aura toutefois l'audace de soulever quelques pistes d'amélioration. Parce que c'était parfois décousu, qu'une setlist avec la moitié des chansons que personne ne connait encore c'est risqué, que jouer à sept sur scène c'est un sport et que la sophistication ajoutée nuit parfois à l'efficacité et à la puissance, et que tenir une heure en ajoutant
I Am The King et
Closer To God à la setlist ce n'était pas la mer à boire. Et probablement que, parce que c'est la troisième fois qu'on les voit en un an on est devenu blasé, on en attend toujours plus, alors qu'il faut le dire, si vous voulez vous éclater en concert sur une musique indescriptible qu'un rédacteur ivre mort avait un jour appelée du rave-punk mésopotamien, il n'y a aujourd'hui pas meilleur plan que les uniques, les stupéfiants, les inénarrables, inabreuvables, et incomparables Fat Dog. Un des futurs de la musique anglaise qui nous fera encore une fois dire WOOF, et après WOOF il n'y a vraiment rien d'autre à dire que WOOF. WOOF.