Viendra ? Viendra pas ? Un peu de suspense à l'approche du concert de Richard Ashcroft au Trabendo... Après les quelques annulations de dernière minute de ces dernières années, c'est dans un état d'esprit aussi dubitatif qu'impatient que l'on arrive Porte de Pantin ce soir. Il y a une foule compacte dehors, mais ils se dirigent tous vers le Zénith voir Them Crooked Vultures. Le Trabendo, lui, est loin d'être plein. Ses fans échaudés ont-ils craint l'eau froide d'une nouvelle annulation ? Ou bien y a-t-il eu manque de communication sur ce concert annoncé sous le nom de RPA And The United Nations Of Sound ? Un peu des deux sans doute.
Dès l'entrée dans la salle, un DJ est aux platines sur scène et passe des vyniles de Northern Soul. On est plus proche de la culture du soundsystem que du concert rock habituel. Tout à coup une musique d'introduction résonne, les lumières se tamisent, et les United Nations Of Sound débarquent. Ils attaquent sur Are You Ready?, dont la vidéo tourne depuis quelque temps sur le net et fait office de trailer pour la sortie de l'album en juillet. Un morceau vrombissant, goguenard, entêtant, qui conquiert d'emblée le public français, pourtant réputé difficile à chauffer. Le lien s'établit dès les premières notes entre les musiciens et les spectateurs, dans une ambiance détendue et chaleureuse. Les frères Wright, à la section rythmique, sont hilares une grande partie du concert, et Ashcroft ne se gêne pas pour esquisser quelques pas de danse. Quant au guitariste lead, Steve Wyreman, les incroyables solos qu'il délivre, l'air de rien, provoquent les hourras admiratifs des parisiens abasourdis.
Les morceaux du nouveau combo et ceux plus anciens tirés de la carrière solo du sieur Richard se fondent de manière harmonieuse, mais c'est lorsque débute America que le concept des United Nations Of Sound devient clair : il y a quelque chose d'émouvant à regarder un groupe composé d'afro-américains (les frères Wright), d'un amérindien (Wyreman) et d'européens fans de Northern Soul (Ashcroft et les deux claviers supplémentaires) communier ensemble au nom de la soul. Same pain, same joy, same sound.
D'habitude peu expansif, Ashcroft est ce soir d'humeur joviale et échange des plaisanteries avec le public, notamment sur la Coupe du Monde ("Je suis sûr que vous adorez votre équipe et votre entraîneur! "). Bientôt les requêtes pour des chansons de The Verve commencent à fuser, et s'il prévient qu'il ne jouera pas Bittersweet Symphony, il finit par jouer les trois autres singles mythiques de l'album Urban Hymns : Lucky Man, Sonnet et The Drugs Don't Work. Les amoureux s'embrassent, les trentenaires nostalgiques essuient une larme, la Terre s'arrête de tourner momentanément...
Le petit set acoustique inséré au milieu du concert rappelle qu'Ashcroft est de ces songwriters anglais capables de faire pleurer les cœurs de pierre en trois accords grattés sur une acoustique, le tout avec une classe intersidérale.
Check The Meaning et le final sur Break The Night With Colour donnent envie de dépoussiérer les albums solos qui patientent sagement à la maison, et l'on jure qu'on ne se laissera plus jamais prendre à sous-estimer les aventures solos du northener. Même sans The Verve, Richard Ashcroft fait toujours partie des très grands.