C'est avec une évidente excitation mais aussi une légère appréhension que je me suis rendu au premier concert parisien du petit prodige James Blake. Si son premier album constitue une légère déception personnelle, tout en restant un excellent disque, il survole pourtant largement ce début d'année un peu morne. Je redoutais le résultat sur scène : est-il possible de rendre la grâce du disque en concert ?
Avant de passer aux choses sérieuses, mise en bouche avec
Cloud Boat. Il semblerait que le groupe ne soit né qu'il y a quelques mois et invité par James Blake lui même à le suivre sur sa tournée. Mais force est de constater que le duo n'est pas encore prêt, car dès le premier morceau, nous sommes immédiatement gagnés par l'ennui. Le groupe communique peu, voire pas du tout, et joue assis. La musique, pourtant dans la lignée de celle de la tête d'affiche, se veut contemplative, émouvante et cérébrale, située quelque part entre du post-rock lent et du 2-step mutant, très en vogue en ce moment, mais mal digéré. Le chant (yeux fermés forcément) est particulièrement éprouvant. Un choix surprenant du légendaire label R&S d'avoir signé ce groupe si rapidement.
Voici enfin
James Blake, sourire modeste, allure timide, manifestement heureux d'être à Paris. Son groupe s'installe et commence par le sublime
Unluck. En quelques secondes, James Blake balaye tout les doutes, des frissons me parcourent le corps. Cette version est particulièrement belle, encore plus forte que sur disque, sublimée par un filtre puissant sur les claviers et un batteur particulièrement adroit. S'ensuit
Give Me My Mouth, avec un James Blake en solo au piano décidément fascinant.
le public, très féminin, admire béatement le talent insolent du jeune garçon et l'applaudit chaleureusement. Si
Yep And The Logic fait un peu retomber la tension, la demi-heure de concert entre
I Never Learnt To Share et
The Wilhelm Scream est touchée par la grâce. Le musicien jouera même un morceau tiré de l'un de ses fabuleux EPs (on ne cessera de le dire, il faut absolument les écouter),
Klavierwerke, que quelqu'un lui aurait apparemment demandé. Bénie soit cette personne. En effet, cette version live est admirable, emmenant enfin le public dans une danse sensuelle.
Il termine ce soir son set par ses tubes
Limit To Your Love et
The Wilhelm Scream, accueillis par des cris approbateurs et des propositions de mariage. Le public est d'ailleurs particulièrement enthousiaste ce soir et ne se fait pas prier pour réclamer un rappel très attendu après les deux époustouflantes dernières chansons. Il jouera à cette occasion une nouvelle composition, le très gospel
Enough Thunder, seul derrière son clavier, le sourire aux lèvres, encore étonné de l'accueil qui lui aura été réservé. Il était amplement mérité.
C'est sans hésitation l'un des plus beaux et réjouissants concerts auquel j'ai assisté depuis très longtemps. Les doutes étaient infondés, car, en plus d'être un musicien fantastique, la classe et la puissance émotionnelle de la musique de James Blake sont encore plus évidentes sur scène.