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mary in the junkyard

this old house EP

mary in the junkyard - this old house EP
Chronique Single/EP
Date de sortie : 09.05.2024
Label :AMF Records
45
Rédigé par Adonis Didier, le 9 mai 2024
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Il était une fois une petite fille qui vivait dans une vieille maison. La maison était si vieille qu'elle semblait danser quand le vent soufflait, ondulant, ivre, tanguant sur ses fondations alors qu'elle chantait du bruit du bois qui craquèle et des tuiles qui sur sa tête se chevauchent et glinglinguent. Du froid qui courait en riant à travers la maison, les genoux de la petite fille eux aussi glinglinguaient. Mais malgré tout ce que la maison n'était pas, et malgré tout ce qui lui manquait, la petite fille ne quittait pas la maison, car c'était sa maison. Et parce que la forêt qui l'entourait était terriblement effrayante. D'être si proche, la forêt avait débordé jusque dans la maison, et ses murs étaient peints de branches noires comme une nuit sans lune, et de loups aux dents comme des couteaux de cuisine, marchant sur deux pattes, et d'insectes squelettiques dont le vol bzzzitbzzzitait, et dont le ramdam des os glinglinguaient, comme glinglinguent des tuiles mal attachées sur un toit branlant.

De cette maison si étrange, et de cette forêt si effrayante, la petite fille avait fait une musique qui ne ressemblait à aucune autre, car c'était sa maison, et c'était sa musique. Mais vint un jour où, de jouer seule ses mêmes chansons, encore et encore, la petite fille décida qu'elle voulait désormais jouer ses chansons à d'autres, et que si terrifiante que fut la forêt, elle verrait ce qu'il y avait derrière, car mieux valait disparaître dans la forêt que mourir seule et triste dans sa maison, assommée par une tuile qui aurait glinglingué une fois de trop. Alors la petite fille quitta pour un temps sa maison, emporta avec elle sa guitare, et traversa la forêt, avec en elle l'espoir de jouer la musique de sa maison à tous ceux qu'elle pourrait croiser. Mais la forêt était réellement terrifiante, encore plus que ce que la petite fille pouvait en voir depuis sa maison, et les loups marchaient bien sur deux pattes, et les loups avaient bien des couteaux de cuisine là où auraient dû se trouver des dents. Et quand les loups qu'elle avait rencontrés s'apprêtaient à la déguster, après l'avoir savamment découpée, les morceaux de la petite fille se mirent chacun à jouer de la musique de leur maison, et les loups chantèrent avec eux, et de chanter, les couteaux dans la bouche des loups redevinrent les dents que toujours ils auraient dû être. En remerciement, les loups reconstituèrent la petite fille, et s'excusèrent longuement de l'avoir découpée, car ils avaient maintenant aussi retrouvé la parole, difficile qu'il était d'ouvrir et de fermer la bouche sans se couper lorsque celle-ci était remplie de couteaux.

Guidée par les loups qui marchaient sur deux pattes, la petite fille trouva enfin la sortie de la terrifiante forêt, et de cette expérience se dit qu'elle aimerait pouvoir jouer encore cela, de cette musique en multitude qui avait tant plu aux loups. Dans sa réflexion, elle pensa aussi qu'il serait logistiquement compliqué, sans compter la douleur et les risques d'infection, de devoir être découpée à chaque fois. Alors la petite fille chercha des amis qui pourraient jouer sa musique avec elle, et marchant, marchant, et marchant, finit par atterrir dans une décharge. Au coin d'un feu allumé dans un bidon dans lequel étaient entassés de vieilles loques de vêtements, la petite fille trouva d'autres enfants : une était petite, encore plus que la petite fille, avec des cheveux noirs et de grands yeux noirs, et jouait du violon, quand l'autre était un grand garçon qui tapait, avec un rythme étrange, sur d'autres bidons dans lesquels aucun feu n'était allumé, si ce n'est celui de l'improbable musique qu'ils jouaient. Alors à trois ils se mirent en marche, et parcoururent le monde, et jouèrent partout où l'on voulait bien les entendre, et même là où on ne voulait pas les entendre. Et quand d'avoir fait le tour du monde ils arrivèrent à la vieille maison, celle-ci n'était plus aussi vieille, et ses murs, semblait-il, penchaient moins, et ses tuiles ne glinglinguaient plus quand le vent soufflait, et les loups peints sur le bois souriaient, car dans leur bouche étaient des dents et non plus des couteaux. Alors les trois amis restèrent dans la vieille maison, et y firent une musique qui ne ressemblait à aucune autre, car c'était leur maison, et c'était leur musique.

La musique de mary in the junkyard, ou la rencontre de la chanteuse-guitariste-violoncelliste Clari Freeman-Taylor avec la bassiste-violoniste Saya Barbaglia et le batteur David Addison, lorsque cette première cherchait des musiciens pour assurer un concert, concert qui en appela cent autres, et un premier EP intitulé this old house. Une musique organique, où les instruments et les voix s'entortillent comme des ronces, mêlant un folk de sombres forêts et de clairières ensoleillées à une complexité de rythmes et d'accords appelant aux plus hauts sommets enneigés du post-rock. Une musique que l'on nommerait du post-folk si elle n'avait pas en plus la puissance électrique abrasive que l'on reconnait sans peine au rock anglais, et au final, pourquoi on s'embête ? Douce, énervée, solaire, lunaire, réconfortante, inquiétante, la musique de mary in the junkyard est tout à la fois, car elle est simplement humaine, combinant pour la forme Rachel Sermanni, Maruja, et ĠENN, et se contentant pour le fond de laisser vivre ce qu'il y a dans cette vieille maison, cette vieille maison qui ne ressemble à aucune autre.
tracklisting
    01. Ghost
  • 02. Marble Arch
  • 03. Goop
  • 04. Teeth
  • 05. Tuesday
titres conseillés
    Tuesday, Goop
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