Spangled

De retour du verdoyant Béarn pour la troisième édition du Very Good Trip Festival, nous ignorions que nous reviendrions avec dans notre besace, en plus des nombreux sachets de chips locales Tchanqué (arôme vinaigre de vin de Bordeaux et échalotes, hype assurée pour vos apéros), un nouvel EP à chroniquer pour cause de gros coup de cœur : Always In Colour de Spangled.

Nous avions fait la connaissance, lors de la première journée de festival, du quatuor constitué de Ben Johnson au chant, Jamie Halliday à la guitare, Niall McGovern à la basse et Nathan Kenyon à la batterie. Originaire de Manchester, celui-ci nous a époustouflé avec son énergie incandescente et son répertoire fait d'un habile melting pot de genres passant de skate punk à rock alternatif très agréablement teinté d'effluves à la Happy Mondays, tout en empruntant le côté graisseux du hard rock des années 80, usant tout du long du set de gros riffs de guitares cinglants que ne renieraient pas nos papas (ou grands-papas pour certains lecteurs) à legging zébrés.

Ce qui plaît chez Spangled est leur côté ingénu qui rend leur musique un peu fourre-tout et des plus jubilatoires. Aucun complexe comme aucune arrogance, la bande menée par Ben Johnson est ici pour s'amuser et plaire à tout le monde. L'EP rassemble trois singles déjà distillés sur les plateformes de streaming et trois inédits. Ce dernier débute avec Swordfish Trauma, morceau le plus explosif à la basse très funky, qui nous évoque quelques accents « Shaun Ryder-iens » dans son interprétation. N'est pas mancunien qui veut, Spangled savent allégrement mettre en avant leurs racines sans pour autant singer leurs prestigieux aïeux.
Crank Up The Splendour verse plutôt dans le teenage rock des campus américain, vers une atmosphère très cool et décomplexée, rendant le titre déjà tout calibré pour les playlists estivales. Little Tom, quant à lui, accélère la cadence, on aborde ici un registre bien plus foutraque où l'on glisse vers le côté un brin métalleux des guitares de Rage Against The Machine, plongeant le tout sans transition dans une sauce bien plus pimentée.


Sans transition est l'expression qui semble le plus convenir à Spangled, qui se risquent et seulement au bout de quatre morceaux à de nouveau changer complétement de registre. Avec ses airs très pop évanescente à la Kate Bush dans son intro, Home nous évoque dans ses longs riffs étendus et ses refrains véritablement chantés (donc non hurlés) les papys de la New Wave of British Heavy Metal, c'est dire la curiosité et l'érudition de nos jeunes musiciens. Ce petit détour dans le monde des vestes en jeans sur blousons de cuir n'est pas pour nous déplaire.
L'EP nous guide encore une fois vers d'autres sentiers, avec Horizon's Glance au charme un peu plus grand public et calibré pour les radios FM mais absolument pas dépourvu de style. Puis, on clôture sur l'étonnant The Road Ahead, qui débute avec un petit interlude avant de laisser libre court aux guitares plus aériennes et posées, dépouillant légèrement le style jusque-là plutôt musclé du groupe pour mettre un peu mieux en exergue le petit brin de voix de Ben. Le thème se retient bien vite et c'est probablement le morceau de l'EP que nous garderons le plus facilement en tête.

Nous spoilerons tout de suite la fin du film, avec les spectateurs qui ont pu profiter des trois dates françaises exclusives, entre Paris, Bellocq et Marseille : Spangled renversent encore toutes les tendances sur scène ! Bien difficile de véritablement reproduire les subtilités du disque en live, Ben Johnson, une fois sous les spotlights, se transformant en furie et accaparant à lui tout seul l'intégralité de l'espace, décuplant ainsi le potentiel de chacun des titres par dix. Spangled est un incroyable cocktail de stupéfiants dont il fait bon abuser, et l'on se doute que la multitude de références auxquelles ils font appel dans ce premier EP va petit à petit leur permettre de s'affiner et de trouver leur propre style, sans perdre, on le souhaite, une once de leur exubérance.