Picture Parlour

Le quatuor originaire du nord de l'Angleterre, Picture Parlour, est le fruit de la collaboration entre Katherine Parlour et Ella Risi, complété ensuite par la bassiste Sian Lynch et le batteur Michael Nash. Il a fait une entrée fracassante dans le paysage musical outre-Manche grâce à des premières parties de renom, une couverture de l'incontournable NME et un soutien public de plusieurs personnalités publiques, à l'instar de Courtney Love. Garde-robe empruntée à la décennie 70 à base de cuir et autre foulard, chanteuse aux faux airs de Cruella d'Enfer qui aurait fréquenté Marc Bolan, esthétique empruntée aux films de David Lynch sont notamment au programme de cette formation dont les chansons doivent autant à Father John Misty qu'à Pulp, sans oublier des figures féminines fortes comme Patti Smith, Joni Mitchell et Joan Baez.

Grandiloquente et un brin théâtrale, la formule proposée est à l'image d'un nom de premier single (Norwegian Wood) osé - quand on sait qui l'a utilisé - qui leur a notamment valu une vague de haine et autres accusations infondées d'être un « produit marketing». Il est d'ailleurs triste de voir que ce genre de manœuvre vise uniquement les artistes féminines, dans une tentative grossière et profondément misogyne de saper leur crédibilité. Le groupe n'en a eu cure et a préféré prendre ça à la rigolade : « C'était tellement ridicule que ça en devenait presque comique ; une théorie disait que nous étions les filles d'oligarques ». Décidé de répondre par la musique, le groupe a publié un premier EP, Face In The Picture, sorti chez Island Records qui vient clôturer ce premier semestre 2024 avant les vacances estivales.

On retrouve l'influence du 7ème art dès le début du disque avec Face In The Picture et le tremblement inquiétant de plusieurs instruments à cordes avant que nous ne soyons plongés tête la première dans le monde à la fois beau et étonnamment expansif de Picture Parlour. Les violons et le piano nous plongent immédiatement dans une ambiance dark aux allures de cabaret-rock orchestral, où la voix puissante de Katherine Parlour se mêle aux cordes des violons et à la guitare électrique pour créer un contraste saisissant entre douceur et intensité. Cette première piste pose les bases d'un voyage musical détonnant dont on a trop peu l'habitude par les temps qui courent. Dial Up suit le mouvement avec une énergie plus brute et grunge, où la lourdeur des riffs de guitare et les frappes rapprochées de caisse claire créent une ambiance oppressante. Le morceau montre la capacité de ses auteurs à varier les textures sonores tout en maintenant une cohérence dans leur style. Le solo de guitare d'Ella Risi dopée à l'effet chorus ne manquera pas de rappeler les influences rock rétro et classiques du groupe. On regrette toutefois que le morceau n'excède pas les deux minutes et trente secondes.

Ronnie est peut-être le titre le plus intéressant de l'EP, mettant en valeur la polyvalence vocale de Katherine Parlour, dont la voix passionnée et la prononciation des mots ne sont pas sans rappeler la façon de faire d'un certain Alex Turner. Le morceau est chanté d'une manière suave et dédaigneuse à la manière des plus grands crooners avant de se prêter à un exercice d'exorcisme tendu et bouillonnant d'angoisse. La présence des cordes, mêlée à la guitare électrique et soutenue par une basse et une batterie solides, élève la chanson jusqu'à atteindre un certain degré épique. Le groupe ralentit le rythme sur Moon Tonic sans perdre une once de puissance. Le morceau est beaucoup plus verbeux et les paroles introspectives et poétiques de Katherine Parlour résonnent avec une sincérité brute. Les cordes délivrent le mélodrame de son interprète offrant une conclusion puissante digne d'une fin de film du niveau de Fight Club.

Face In The Picture est un EP ambitieux et réussi qui ne se contente pas de répondre aux attentes, mais de les dépasser. Picture Parlour parviennent à capturer l'essence de ce qui a animé le groupe à ses débuts pour en faire une base solide tout en explorant de nouveaux territoires et faire de leur musique quelque chose de plus grand. C'était la meilleure réponse à celles et ceux qui ont voulu tuer le groupe dans l'œuf. Il y a fort à parier que ces deniers fassent profil bas à l'avenir si Katherine Parlour et ses comparses viennent d'embrasser l'avenir radieux qui leur est promis.