Kynsy

Vous vous souvenez du théorème selon lequel chaque groupe signé chez Nice Swan Records est mon nouveau groupe préféré ? Alors laissez-moi vous présenter Kynsy, dernier produit de cet autre théorème qui veut que la ville de Dublin explose si elle ne voit pas naître au moins un groupe de rock absolument génial à l'année. Au premier abord vous me direz « oui, bon, encore une petite meuf qui fait de la pop-rock, ça va on s'est déjà fadé ta chronique de beabadoobee, faut arrêter là monsieur ! », et je vous répondrai que d'une part le rock c'est plus une histoire de mecs en moule-bites cuir avec du poil au torse, d'autre part que beabadoobee c'est très bien, et enfin que Kynsy peut devenir tout aussi bien très vite, dans le registre musical bien différent d'une artiste nettement plus mature et expérimentée qu'il y paraît.

Pour vous expliquer tout ça, laissez-moi remonter quelque peu en arrière, à Dublin City, ville de fontaines et de statues grecques, pendant une période qu'on préférerait tous oublier, l'année 2020. Ciara Lindsey, jeune dublinoise née à Londres, devient Kynsy et sort son premier single Cold Blue Light au beau milieu de la pandémie, suivi en début d'année 2021 d'un premier EP Things That Don't Exist en autoproduit, puis mi 2022 par un deuxième EP Something To Do With Love toujours sans label. Un chemin de croix pour musicien de la galère qui la pousse, à vingt-quatre ans, à déménager à Londres et se recentrer quelques temps sur elle-même, laissant momentanément de côté le stress et l'anxiété inhérent au métier d'artiste inconnu. Qui suis-je, qu'est-ce que je fous là, est-ce que la musique c'était le bon plan ? Le genre de questions que l'on se pose, ou que l'on devrait tous se poser au moins une fois dans sa vie, et un début de réponse qui viendra après un an de jachère mentale et musicale, à la suite d'une prestation au Reeperbahn Festival d'Hambourg, et la rencontre d'un label à même de lancer bien des carrières : Nice Swan Records.

Des génies si vous voulez mon avis, et un fantastique tremplin pour tant de groupes comme SPRINTS, English Teacher, DEADLETTER, Opus Kink, et maintenant Kynsy. L'esprit aéré, créativement ressourcé, et un management compétent et positif derrière elle, voici un nouveau single qui débarque en avril 2024 après plus d'un an et demi de pause : Money. Un témoignage du chemin déjà parcouru, mais un témoignage seulement partiel tant personne n'aurait pu prévoir la tornade qui pointait à l'horizon, un évènement climatique armé d'une guitare bleu ciel et d'un microphone, nom de code Utopia. Deux chansons défonçant la porte à coup de pop-rock ultra mélodique et rentre-dedans, chacune suivie par un titre à la puissance et à la profondeur tombant les murs les uns après les autres, soulevant le toit de la maison et toutes les vaches des alentours d'un même souffle orageux craché par un ampli mille fois trimballé de Dublin jusqu'à Londres.

Ainsi, Body et Stereo Games multiplient les lignes de guitares traçant devant des murs de disto, creusant à la disqueuse dans la tête jusqu'à s'y faire une place au chaud pour l'hiver, quand Formaldehyde et Utopia jouent le jeu de la nuit, serpentant sur le pavé, calme au premier abord, mordant dès le premier refrain, laissant le venin remonter lentement et bloquer chaque neurone en boucle sur cette seule et même idée : relancer encore et encore Utopia, troisième et meilleur EP de Kynsy à ce jour, une tempête sous un crâne, un ouragan de rock alternatif dans une bouteille et sur un vinyle de quatre chansons qui nous fait dire que l'avenir s'annonce radieux, car après la pluie vient le beau temps, et après le chaos vient l'utopie.