Après un premier album sorti par EMI en 2018 et qui avait rencontré un large public, Isaac Gracie s'est posé beaucoup de questions et s'est fait très discret. Il avait ensuite sorti deux titres numériques sur YALA! Records, le label des frères White (The Maccabees), et revient aujourd'hui avec sa première véritable sortie en six ans.
A la première écoute, je me suis demandé s'il fallait renvoyer Isaac dans sa chambre comme un ado bêtement puni ? Avec son grand piano, les guitares pleines de reverb, les chœurs et la batterie qui monte crescendo au bout de trois minutes, lullaby dégouline de poncifs pop que l'on trouve dans les trop grands studios. En fermant les yeux, je peux imaginer Chris Martin la chanter au Wembley Stadium. Et je ne suis pas loin de l'intention, le morceau a été écrit en quelques heures avec Joel Little, collaborateur de Lorde, Taylor Swift ou Sam Smith. Pour parfaire le stéréotype, c'est loin de la grisaille londonienne que la rencontre s'est faite, à Los Angeles.
Sur slide, je retrouve néanmoins son grain de voix particulier et l'énergie que j'appréciais sur ses premiers titres. Son assurance donne plus de la puissance au morceau et renforce l'intention. Et qui de mieux que Mike Kerr de Royal Blood pour faire une chanson de power pop ?
Même si c'est un choix complètement assumé, je préférais Isaac Gracie, en ado misérable dans sa chambre à Ealing, une banlieue résidentielle de l'Ouest de Londres. Alors oui, j'ai envie de le renvoyer dans sa chambre avec juste sa guitare et son air malheureux. C'est ce qu'il fait sur for you, patiently. Isaac construit ses titres en progression et on ne peut pas lui reprocher de créer des chansons qui s'illuminent. Alors, oui, c'est un peu mièvre, mais c'est aussi généreux et courageux, et finalement louable car dans le style c'est réussi.
Quand il touche la corde sensible, ce n'est pas dans sa chambre que va Isaac, c'est dans la nôtre, ses chansons intimistes invitent à l'ouverture et une fois le contact opéré ils nous emmènent au-dessus des toits tel Peter Pan emmenant les enfants au-dessus de la ville endormie. Sur l'EP, pas la place de faire tenir tout le Pays Imaginaire, il faudra se contenter d'une little blue house qui se termine malheureusement quand le délire commence.
Par goût, je préfère les chansons cabossées et les sons bruts, mais je reconnais que derrière les moyens et la (sur)production, Isaac Gracie n'a rien perdu de sa sensibilité et a enrichi son écriture. Je suis sûr qu'un grand album est à venir.