Ce mois de mars est bien parti pour être l'un des plus excitants depuis celui de 2020 et l'euphorie générale à l'idée de passer deux mois enfermés chez nous en pyjama. En 2025, la moisson de disques est à la hauteur de nos espérances en ce tout début de printemps. Ainsi, entre les valeurs sûres telles Benefits, Steven Wilson et The Horrors, et les primo accédants comme Overpass, Hello Cosmos et Phoebe Green, nous retrouvons ELLiS·D, muni de son second EP Spill. L'heure de soleil en plus ne sera donc pas de trop pour se plonger dans ces sept titres qui nous projettent dans un post-punk aux accents glam et goth dont on ne se doutait pas qu'il pouvait exister.
ELLiS·D, ou Ellis Dickson pour s'éviter des crises de nerfs en tapant sur son clavier, nous vient de Brighton et s'est déjà fait connaitre en 2021 avec son premier disque, Hullo, Reality! . Avant cela, ce jeune homme officiait comme batteur au sein de Strange Cases, et se faisait déjà remarquer par son charisme imposant. L'aventure solo n'a donc étonné personne, Ellis, dorénavant à la guitare et au chant, pouvant faire état de sa personnalité flamboyante, et nous faisant profiter de ses talents vocaux impressionnants. Avec ce timbre passant de baryton à ténor, ces percées suraigües et ses hurlements chaotiques, ELLiS·D occupe soniquement tout l'espace. Le look va de pair avec la folie du chant : la silhouette grande et longiligne, la coupe de cheveux en bataille et les teintes sombres lui donne de surprenants airs de divas goth.
Spill est un recueil de titres aux multiples textures. D'odes glam punk que ne renieraient pas The Darkness à leurs débuts (eux-mêmes bientôt sous le feu des projecteurs) voire mini opéra rocks dotés de riffs de guitares étirés à l'extrême (Chasing The Blues), nous passons sans transition à l'instantanéité et à la frénésie de Humdrum, la rythmique comme les pulsations du cœur qui s'agitent à l'écoute d'un groupe anglais qui émergeait à cette période charnière de la fin des années 70, assurant la transition entre punk et new wave. Ce qui nous marque sur ce morceau est le chant d'Ellis, évoquant un très jeune Robert Smith, celui sans la choucroute noire mais en passe de devenir très grand, et ce malgré lui.
C'est un environnement fractionné entre grosses guitares saturées et chant haut perché, ce dernier étonnamment très mélodieux, qui nous balade tout du long du disque. ELLiS·D ne ménage pas ses efforts et la tension est réellement palpable, les variations et les cassures de rythme au sein d'un même morceau (comme cet Insect qui passe de calme à tempête en une microseconde) réussissant presque à nous perdre, mais le chant hypnotique d'Ellis nous ramène très vite à sa réalité, qui semble perturbée. Parce que nous ne sommes pas à la fin de nos surprises, Shakedown offre un interlude à la limite du métal, très chaotique, pour ainsi enchainer sur la pièce de résistance, l'envoutant Homecoming Queen.
On retrouve dans cette petite ode de délicieux relents de glam rock pur jus, celui de l'élégance débridée, de la classe décadente, celui des paillettes, du maquillage à outrance et des platformes shoes. On pense ainsi à un David Bowie roux et sans sourcils ou à un David Johansen en lycra rose, hurlant comme un loup à la lune avec ce sex-appeal à faire blêmir filles comme garçons. Bien plus récemment, ce style nous rappelle Walt Disco ou les excellents Flat Party croisés il y a peu à Paris. Un retour à un rock très design mais jamais dépourvu de puissance.
Le titre de clôture, Driting, est un mini voyage de plus de sept minutes qui nous sème dans les effluves du rock psychédélique, avec longues plages instrumentales, où la guitare résonne jusque haut dans le ciel, planante et aguicheuse. Elle redémarre aussi sec en passant la cinquième et s'étale sur les quatre dernière minutes seule, comme l'épilogue de cette drôle de traversée dans l'imaginaire d'Ellis, qui aime à mélanger les styles et se les approprier sans vergogne.
Spill est un disque qui dégage une énergie et une inventivité absolues, tout en rendant hommage à certains classiques qui requièrent du brio pour les maitriser. ELLiS·D nous promet des concerts explosifs s'il réussit à retranscrire sur scène toute la richesse de ce disque. Nous en saurons plus lorsque nous le retrouverons à Paris en première partie de ses copains les délurés Fat Dog le 4 avril puis au festival Block Party les 29 et 30 mai prochains.