Chronique Single/EP
Date de sortie : 28.03.2025
Label :Zo Lief
Rédigé par
Adonis Didier, le 27 mars 2025
Dans la fumée, elle danse. Au cœur de la brume violette, un sortilège, des yeux d'un bleu surnaturel surmontés d'une frange. Dans la lueur orangée des lampes à lave, un foulard de soie jaune noué autour de son cou, une veste en jean tombant sur une ceinture à la large boucle de fer forgé, retenant un pantalon pattes d'eph' aux coutures élimées, aux ourlets écorchés. Dans le tourbillon de ses pas, de ses joies et de ses amours, des champs de tulipes bleutées s'évadent de ses jambes, et le souvenir de sa Hollande natale s'étale sur le papier peint d'hexagones psychotropes.
Si charmante, si charmant, Zo Lief en néerlandais, un nom de groupe comme la plus parfaite expression du couple formé par Laura Chen et James Attwood tant en musique que dans la vie. Laura, chanteuse, guitariste, photographe, et réalisatrice néerlandaise, expatriée en Angleterre pour ses études de photographie, qui tombe sur James, guitariste, batteur, pianiste et bien d'autres trucs encore, et qui décide de finalement rester à Birmingham pour débuter à la fois son travail de photographe en solo, et de musicienne avec son chéri. Un premier EP, Believe What You Believe, sorti en mars 2023, puis quelques expositions de photo, et finalement un deuxième EP exactement deux ans plus tard : c'est peu dire que les fruits qui tombent de l'arbre Zo Lief se font rares, mais à fruits si charmants toutes les absences du monde se pardonnent.
Car Hypnosis est une douceur sucrée hallucinogène replongeant dans la période la plus nostalgique qui soit pour moults amateurs de musique : les années 60. Produit une nouvelle fois par James Bagshaw, comme de par hasard chanteur-guitariste de Temples, l'EP emprunte allégrement tant aux véritables années 60 qu'à ceux qui ont déjà fait de son revival leur fond de commerce, et comme on a déjà cité Temples allons plutôt voir les Arctic Monkeys, Miles Kane, la fusion The Last Shadow Puppets, Blossoms, ou encore le récent EP de Findlay sorti à la Saint-Valentin dernière. Hypnosis, six chansons de pop retro-futuriste, phosphorescente et enfumée, à l'esthétique langoureusement léchée par le divin charme d'Austin Powers, et qui débutent par la merveilleuse You (A Burden).
La basse remonte bulle à bulle, rougeoyant dans la lampe à lave au milieu des éclats de fuzz et de piano électrique, quand la tapisserie se pare de brillants balayages de cordes et de la voix délicatement sensuelle de Laura Chen. L'envie se fait de se caler un carré de LSD sous la langue en retapissant tout son appartement de motifs psychédéliques, She Makes You Look Twice motivera à l'écouter beaucoup plus que deux fois, avant que la drogue ne fasse son effet et ne m'emporte dans son Hypnosis. Le temps est lent, le temps est mou, il fond dans mes yeux et descend jusqu'à ma gorge en longs filaments de coton sucré, les aiguilles sur mes iris tiquent des battements d'un cœur qui déjà se change en pomme d'amour, se noie dans un caramel de souvenirs hallucinés, alors pince-moi, pitié Pinch Me !
Une bombinette de réalité pour mettre fin à la transe, et le deuxième grand coup d'éclat d'un très joli EP auquel il ne manque qu'une substance plus ambitieuse et surprenante pour réellement marquer les esprits. Parce que Hypnosis se laisse presque trop écouter, il coule, caresse la peau et l'esprit, et ne marque la mémoire qu'à de rares et belles exceptions. On s'en réveille béat, vaseux, un peu plus léger des soucis de la veille, et jamais on ne saura si tout cela est véritablement arrivé, cliffhanger du film de la vie animé de la beauté des rêves acides.
Et l'on se laissera retourner au sommeil, avec des yeux dans les yeux, ces yeux bleus sortis d'une brume violette, si charmants, si charmants. Zo Lief en néerlandais.