Chronique Single/EP
Date de sortie : 28.03.2025
Label :better joy
Rédigé par
Adonis Didier, le 1er avril 2025
Le soleil de mai, à l'ombre des pins dans lesquels chantonnent les passereaux. Le parfum des roses qui s'ouvrent avec la délicatesse des grandes dames qui jouent Debussy au piano. Une île flottante couverte de caramel, une boule de glace vanille à côté. De la barbe à papa sur le bout du nez, perdu dans la grande fête foraine de la vie, les beaux jours qui enfin reviennent, et avec eux les petits plaisirs et les grandes joies du quotidien. Le monde est fou, le monde est beau, et dans ce monde fou de beauté sort pour la toute première fois un EP d'une artiste nommée better joy.
La création top et pop de Bria Keely, chanteuse-guitariste venue du Cheshire au nord de Manchester, désormais complétée de Jamie Ford, Michael Champion et Andy Dunlop, et un groupe de la joie qui stabilise ses aspirations musicales par un titre inattendu : heading into blue. Le bleu, la couleur de la peine, de la tristesse, de Manchester City et du Paris Saint-Germain, une couleur à l'opposé d'un nom comme better joy me direz-vous, sauf qu'en fait oui, mais non. Car le bleu est aussi la couleur du ciel de l'Electric Light Orchestra, la teinte des étendues marines de Luc Besson, le pigment de fond de l'Union Européenne, un symbole d'immensité, de liberté, de possibles et d'optimisme auquel ne s'opposent pas fondamentalement le reste de ses interprétations.
Car sans tristesse, pas de joie, sans bas pas de haut, et sans ce subtil mélange des deux qui nous accompagne chaque jour qui passe, pas de better joy. L'alliance imaginée par Bria Keely et Michael Champion d'une pop-rock accrocheuse mêlée à la fois de la douceur du rêve et de la dure réalité du goudron mancunien. La pop-rock des Strokes, la dream pop d'Alvvays, une collaboration entre Wet Leg et boygenius, et par-dessus tout ça des paroles appelant à accepter sa peine et regarder en face un monde qui ne tourne pas toujours rond. couldn't run forever s'arrête ainsi de courir pour faire couler et essuyer ses larmes, avant que waiting on time ne nous fasse découvrir la version grave et puissante de la voix de Bria Keely pendant ce qui semble être la spécialité de better joy, les ponts. Un groupe des ponts et chaussées qui remet les pieds sur le bitume pour la dure et merveilleuse what a day, une énumération de galères, de peurs, de gens qui sont morts et de gens qui préféreraient peut-être, et putain quelle journée.
Une journée qui explose sans exploser, comme tout un EP qui préférera toujours une certaine forme de pudeur aux grands refrains grandiloquents, des refrains teasés par des ponts qui ne font qu'enjamber le fleuve sans chercher à le remonter jusqu'au sommet, remettant une pièce et un coup de main dans l'éternelle grande roue du carnaval de la vie. Un collier de notes scintillantes ornant des couplets parlant d'amour et d'admiration, se déversant sous des ponts comme le Golden Gate Bridge sur lesquels des garçons se battent dans les bars quand d'autres fuient les sifflets des matraques. Et dans tout ça, un refrain presque timide, qui n'en fait jamais trop, mais dont on n'arrive pas vraiment à décider s'il en fait toutefois assez.
Comme pour tout cet EP en fait, un EP s'achevant sur la lente ballade can i land the plane?, dont on ne sait vraiment comment le juger, tant on va probablement l'écouter en boucle jusqu'à la fin de l'été sans pour autant s'en sentir transpercé. Alors prenons-le pour ce qu'il est, et aimons-le pour ce qu'il est, car heading into blue est un EP doudou, un plaid de dream pop-rock dans lequel s'enrouler quand ça déconne, un shoot de bonheur mélancolique qui nous prend dans les bras et nous rappelle que la vie est belle, que la vie est folle, que la vie est une somme de choses qui ne reposent pas intégralement sur nous et qu'il faut souvent savoir accepter pour espérer avancer. Le genre d'ami qui vous veut du bien, et un groupe qui vous fait du bien dont on surveillera dorénavant les sorties avec (presque) autant d'attentes que les albums de beabadoobee. Parce qu'on a tous besoin d'un doudou, voire de plusieurs, voire de beaucoup, et que quel que soit l'âge il n'y a pas de mal à se l'avouer.