Y

Pourquoi, monde cruel, pourquoi !? Pourquoi es-tu Romeo !? Et pourquoi ce groupe d'hurluberlus qui hurlent en berlu s'appelle-t-il Y, ou i grec, alors qu'ils sont anglais et qu'à la base le y se prononce u, mais par les romains, sont fous ces romains, comme ces anglais qui l'ont d'abord prononcé ui, puis vi, et après wi, tout ça pour finir par le prononcer wy, et Why dans la langue de Virginia Woolf ça veut dire pourquoi. Alors pourquoi, monde cruel, pourquoi !? Une plainte, une complainte, une litanie des damnés de la vie et des incapables de la société, et un nouveau groupe formé de la faune ambigüe qui hante les ruelles derrière le Windmill de Brixton, formé d'une seule lettre qui veut dire pourquoi : Y.

Y, des mecs et une fille qui sont l'alpha et le bêta d'un monde dont Fat White Family est l'alpha et l'oméga, Adam Brennan ayant joué avec quasiment toute la constellation liée au groupe et à Trashmouth Records, PREGOBLIN, ScudFM, Meatraffle, Brian Destiny et compagnie. Adam Brennan donc, l'actuel guitariste de Fat White Family qui rassemble ses petits copains pour un énième side-project de la bande la plus bordélique d'Angleterre, avec cette fois-ci au chant et aux claviers Sophie Coppin, à la basse Dan GB, au saxophone Harry McHale, et derrière les fûts un certain Fells. Et pour fêter ça un premier EP qui s'appelle Y, dont la première chanson s'appelle Why, bref c'est Why par Y sur l'EP Y, qui plus est sorti en coop par So Recordings et Hideous Mink Records, le label d'Opus Kink. De là à dire que Y ressemble à du Fat White Family mélangé à du Opus Kink, il n'y a qu'un pas dans lequel on sautera aveuglément à pieds joints.

Une première chanson en mode saxophone mitraillette sur un gros beat fait d'instruments cocaïnés et erratiques, comme une reprise de Fat Dog jouée sous ecsta dans une cave par les deux groupes précédemment cités. Le pont égypto-mésopotamien rajoute à l'ambiance avant que ne reprennent les hurlements d'hurluberlus n'ayant décidément qu'un mot à la bouche : Why. Et alors que l'on pensait savoir dans quel genre d‘endroit on avait mis les pieds, Ladies Who tombe le rideau du Moulin Rouge et ouvre le cabaret de Sophie Coppin sur le toit du Windmill. Le Red Windmill comme on l'appelle, fait de sexy saxophone et de la voix suave de sa tenancière qui nous emporte dans des années 60 faites de rêve, de nostalgie, et de moquette miteuse trempée d'alcool et de fluides blanchâtres à la texture moite.

Classe et crado en même temps, Y est une star de cinéma qui fait du sexe dans sa caravane, partout il traîne cette odeur crasse, malsaine, cet amour de junkie à la fois beau et condamné à finir les yeux vitreux dans un tas de poubelles. Même quand Adam Brennan croone sa Hate, le ton de la voix ne trompe personne, la chanson d'amour déjà tourne à la haine, à la trahison, et les beaux sentiments se cachent pour mourir jusqu'au sommier rouillé de Marianne. Ce qui partait pour être une B.O. de porno soft prend des allures de torture sadique, de claquements de cordes fouettées, de saxophones avec des pinces sur les anches, et Marianne comme Anora ne trouvera en guise d'amour que la lie de l'humanité, le fond de la bouteille et des cercles de l'enfer avec en plus du gras au bide.

De quoi dire que c'est le bordel, dans tous les sens et toutes les positions du terme, et si ça pouvait passer sur un album complet de Fat White Family ou de Warmduscher, ici la formule à l'ambiance Gainsbarre laisse tout de même un peu sur sa faim. Le foutoir surexcité de Why promettait une virée la poudre au nez dans les ruelles de Londres, on a fini par claquer toute notre thune au cabaret, puis le trois-cent-cinquantième amour de notre vie s'est barré, tout ça pour terminer à quatre heures du matin par une pipe à trente balles sur la plage arrière d'une Punto. Bref, Y par Y est une belle soirée ivre et décousue qui laissera aussi ravi que frustré celui ou celle qui l'aura vécue, un truc qui s'annonçait incroyable avant qu'on se fasse embarquer par un pote dans un plan bourbier, avant que ça ne redevienne incroyable, mais bizarre, mais incroyable quand même. A la fin on se souvenait plus de rien, on s‘est réveillé avec une MST, et le lendemain on a suivi le même pote, parce que c'était quand même un peu drôle en y repensant. Comme quoi, en musique comme dans la vie, protégez-vous, sortez couverts, et puis allez écouter Y.

Pourquoi ? Parce que Y c'est comme les soirées avec ce pote, là : neuf fois sur dix ce sera chelou et on vous droguera sans votre consentement, mais croyez-moi il y aura une bonne soirée, une seule, et celle-là vous vous en souviendrez toute votre vie.