Memorial

Quel type de spectateur êtes-vous en concert ? A) le zélé qui pénètre le premier dans la salle pour occuper fidèlement le premier rang ; B) le ponctuel qui arrive aux horaires précises de début des shows afin de rentabiliser au mieux sa soirée ; C) le trainard qui par manque d'emplacement pour garer son Vélib' et pour cause de queue au bar ratera systématiquement les premiers titres de la tête d'affiche ; D) Obi-Wan Kenobi ?
Il n'y a évidement pas de réponse exacte, chacun d'entre nous vivant l'expérience des concerts à sa manière. Concernant votre chroniqueuse, certaines obligations contractuelles la somment de se présenter en amont des premières parties pour se positionner au meilleur spot afin d'assurer un compte rendu des plus exhaustifs à ses fidèles lecteurs et éviter ainsi la sentence de la retenue sur RTT. On ne rigole pas dans le petit monde de la presse rock, la concurrence étant rude et la paie absolument pas à la hauteur des efforts fournis.

Ces conditions extrêmes nous permettent surtout de découvrir énormément d'artistes qui assurent le boulot pas toujours aisé de première partie. Et c'est lors du concert du Flyte en février dernier au Point Ephémère à Paris que nous découvrions Memorial, duo composé de Jack Watts et Oliver Spalding, fondé sur les bancs de l'université de Brighton, qui nous avait enchantés avec sa folk toute en velours. Une première partie idéale pour Flyte, eux-mêmes adeptes des belles guitares, et un premier coup de cœur à l'écoute de cette musique extrêmement élégante. Le chant de Jack Watts est l'ingrédient phare de cette formation, avec une voix à la fois fine et assurée, aux falsettos qui vous feraient fondre un iceberg encore plus vite que le réchauffement climatique.


Ayant quitté la salle du canal Saint-Martin en nous promettant de jeter une oreille attentive au prochain disque des Anglais, c'est donc avec joie que nous trouvons dans notre bannette Redsetter, nouvel album de Memorial nous permettant de rattraper notre retard. Attention, retentissement de la boîte à « mieux vaut tard que jamais » et nous voilà donc embarqués dans un nouveau disque nous offrant onze titres, parmi lesquels nous reconnaissons Silver et White Campion, alors interprétés en exclusivité lors du concert de février. Et en effet, nous retrouvons à l'écoute de ces morceaux toute la magie opérée durant la petite demi-heure de la prestation. Redsetter est un album de pop-folk doté de magnifiques arpèges de guitare acoustique, rehaussés de belles envolées de violons de-ci et de gracieuses notes de piano de-là, le tout porté par le chant de Jack Watts, souvent en canon avec celui un peu plus grave de son comparse Oliver Spalding, apportant beaucoup de prestance à ces titres légers comme une petite brise printanière.


Vous l'aurez compris, le plaisir ne se boude pas tant il est aisé de se laisser emporter par ces douces mélodies. Cependant, force est de constater que mises à la suite l'une de l'autre, les chansons forment un tout un peu trop homogène. Malgré la beauté des compositions, une réelle linéarité se fait un sentir et émerge comme une petite impression de redondance au fur et à mesure que le tracklisting se déroule. Nous arrivons tout de même à accrocher sur certains titres en particulier, notamment Silver qui, avec ses petits airs à la Elliott Smith, nous charme instantanément. Tout comme Circle et Honey qui se présentent comme les deux plus belles ballades du disques et où la maitrise vocale de Jack est impressionnante.

Au final, Redsetter est sans conteste un très bel album à déguster paisiblement au coin d'un feu (en hiver) ou allongé sur un coin d'herbe au soleil (l'été), sa sérénité nous permettant une déconnexion immédiate. Ce dernier aurait toutefois gagné à se voir doté d'un peu plus de caractère, le duo étant parfaitement capable de donner plus de corps à ses morceaux sur scène.