Man/Woman/Chainsaw

Le point commun entre Hideo Kojima et moi ? Une forme de génie en avance sur son temps, et comme vrais reconnaissent vrais, une passion mutuelle pour un large groupe de jeunes génies en avance sur leur temps : Man/Woman/Chainsaw. Une conversation à propos des Beatles à un anniversaire entre Billy Ward et Vera Leppänen, un confinement passé à reprendre Nirvana et Adele dans une chambre étudiante, une grosse centaine de concerts partout dans Londres, l'ajout progressif de Lola Cherry à la batterie, Emmie-Mae Avery au piano, Clio Harwood (devenue Starwood parce que c'est la classe) au violon, et plus récemment Billy Doyle en deuxième guitare, et pour couronner tout ça un premier EP claqué les mains dans les poches par une bande de surdoués de la musique : Eazy Peazy.

Facile Emile, et comme un label de qualité supplémentaire collé au dos de la pochette, Daniel Fox à la production et Ella Margolin aux photos de presse. Ciel mon Daniel, qui en plus d'avoir déjà produit le meilleur album de l'année avec SPRINTS nous refait le coup avec Man/Woman/Chainsaw, et doit-on vraiment parler une nouvelle fois du spectacle de Porridge Radio au Centre Pompidou à Paris mis en scène par Ella Margolin ? Des heures passées à rôder la machine en live, un entourage quarante-cinq étoiles, et autant de points brillants qui s'alignent dans le ciel jusqu'à former la constellation de la tronçonneuse, bienvenue dans Eazy Peazy de Man/Woman/Chainsaw, et n'oubliez pas votre cotte de maille parce que ça va trancher !

Tchac ! Tchac ! Tchac ! Tchacatchacabrrrrmrmmrmrrm ! Quatre coups pour démarrer la bête, The Boss scie dans l'écorce pied au plancher visière baissée, le son est dantesque, le bulldozer monte et descend dans la montagne en laissant derrière lui une tranchée de boue, et dans la terre l'empreinte des cris et des crissements de guitares. Même ligne, le riff de Sports Day compresse les cours d'EPS en un cube de joyeux foutoir pop, folk, et grunge d'où s'échappent des pianos, des violons, et une fontaine de voix courant dans tous les sens sur le terrain de football, comme un concert de Belle And Sebastian dans un gymnase avec Kim Thayil à la guitare et Dave Grohl sur les caisses dans le fond. Le genre de chansons qui motive la majorité des chroniqueurs rock à associer Man/Woman/Chainsaw à des groupes comme Black Country, New Road, black midi, ou Squid, une hérésie tant l'énergie du groupe pousse sans jamais s'arrêter vers la mélodie, la symphonie, vers une forme de chaos parfaitement maîtrisée dont ne ressort que le plus beau, comme de faire suivre l'interlude bruitiste dont on ne dira que Meagan par l'irréelle superbe de Ode To Clio.

Une muse, une déesse tenant d'une main un livre et de l'autre une trompette, remplacée ici par une autre muse voletant dans l'ouragan inspiré par ses coups d'archet, appelant de ses doigts la brise à tournoyer autour d'elle, menant ses amis dans la bataille comme la fille de Zeus, alors que s'abat l'orage, que se soulèvent les montagnes, que la terre s'ouvre et recrache des fleuves de lave embrasés par la tempête. Clio Starwood a détruit le monde, et avec Emmie-Mae Avery elle le reconstruira : Grow A Tongue In Time panse les plaies et fleurit sur les cendres noires du passé, et devant les deux jeunes femmes, sur une pile de corps entassés montant jusqu'au ciel, Vera Leppänen chante à la lune et au soleil de faire revenir la vie. EZPZ répondent les astres, en une conclusion grandiloquente prouvant encore une fois à quel point il est facile d'aimer ce disque en pleine croissance, enfant punk et sauvage prenant au fil des minutes en sublime et en grandiose jusqu'à cette forme finale déjà presque parfaite.

Une tronçonneuse vrombissant comme une armée d'anges, et dans ce déluge de symphonies saturées, Eazy Peazy, un EP comme une arche sauvant de la musique moderne tout ce qui mérite de l'être, couronnant Man/Woman/Chainsaw comme l'un des, voire le jeune groupe de rock à suivre dans le futur. Alors bien sûr, vous pourriez ne pas être d'accord avec moi, mais souvenez-vous, génie, Hideo Kojima, tout ça tout ça, alors plutôt que d'écouter une énième fois vos vieux disques de The Cure, montez avec moi dans le train siglé d'une tronçonneuse et rendez-vous dans l'Histoire, celle avec un grand H, suivi d'un M, d'un W, et d'un C qui veut dire Chainsaw.